
En ce premier trimestre de l’année 2025, Jeunes Agriculteurs a récolté de nombreuses victoires syndicales avec, entre autres, les votes successifs du projet de loi de finances, du projet de loi de finances de la Sécurité sociale et de la loi d’orientation agricole (LOA). Plusieurs de ces combats ont été menés main dans la main avec la FNSEA.
Si la reconnaissance de l’agriculture comme « intérêt général majeur » ou le principe « pas d’interdiction sans solution » sont maintenant inscrits dans la loi, des mesures plus concrètes pour améliorer les conditions de vie des agriculteurs et favoriser le renouvellement des générations en agriculture, ont été adoptées ces derniers mois.
I. Les acquis de JA en 2025 pour favoriser l’installation des agriculteurs et la transmission des exploitations
- La création de France services agriculture (FSA)
Position portée dans notre rapport d’orientation de 2020 et notre livre blanc transmission, la création de France services agriculture (FSA) va doter les agriculteurs d’un vrai outil global d’accompagnement pour favoriser le renouvellement des générations.
Dans chaque département, tous les porteurs de projet d’installation ou de transmission seront accompagnés et orientés vers des structures d’accompagnement neutres et pluralistes agrées par l’Etat sur la base d’un cahier des charges national et régionalisé (par les instances compétentes : CNIT et CRIT). Cet accompagnement sera marqué par un temps d’échange collectif pour les porteurs de projet à l’installation.
Montée en compétences et anticipation étant des maîtres-mots, un état des lieux des compétences et un parcours de formation seront effectués par les structures d’accompagnement pour les porteurs de projet installation et transmission, tout comme une relance annuelle des futurs potentiels retraités agricoles.
Prévue pour le 1er janvier 2027, la mise en œuvre de l’accueil de FSA sera assurée par la chambre d’agriculture départementale.
- Le diagnostic modulaire
Changement climatique, aspirations à une organisation vivable du travail, rentabilité à assurer dans un contexte économique trouble… Avec la publication de la LOA au Journal officiel le 25 mars, la notion de diagnostic modulaire a été inscrite dans la loi. C’est un « diagnostic » à disposition des usagers visant à renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale ainsi que le caractère vivable des projets d’installation et de cession d’exploitations agricoles.
Le diagnostic modulaire comporte 6 modules (marché – climat – outils de production – social – formation – phytos) et ne pourra être réalisé que « sur demande de l’agriculteur » et sans conditionnalité.
- Facilitation de la transmission d’exploitation et de l’association
Outre des orientations programmatiques comme l’objectif ambitieux de 400 000 exploitations et 500 000 exploitants en 2035, d’autres articles de la LOA pourront avoir rapidement un effet en faveur du renouvellement des générations d’actifs en agriculture.
Sont ainsi créés l’essai d’association et l’aide passage de relais, qui sera, elle, mise en place dès 2026. L’essai d’association se présente comme l’expérimentation pour toute personne physique majeure, de son projet d’exercice en commun de l’activité agricole, pour une période d’un an, renouvelable une fois. L’aide au passage de relais sera, elle, allouée aux chefs d’exploitation agricoles âgés d’au moins 59 ans, s’ils cessent définitivement leur activité et rendent leurs terres et les bâtiments d’exploitation disponibles pour une installation aidée. Les porteurs de projet à l’installation, que cela soit la création ou la reprise d’une exploitation agricole, pourront aussi se faire financer en tout ou une partie par le fonds d’assurance formation VIVEA.
Pour encourager la transmission des exploitations agricoles au profit de jeunes agriculteurs (JA) et fluidifier le marché des cessions d’exploitations, la loi de finances pour 2025 a prévu plusieurs mesures fiscales incitatives à la transmission des entreprises.
Toutes ces mesures fiscales prévoient une condition commune relative à la qualité du bénéficiaire de la cession à savoir que la cession doit intervenir au profit d’un jeune agriculteur s’installant, seul ou en société, avec les aides. Elles concernent divers régimes d’exonération des plus-values professionnelles, et la réduction des droits de succession et de donation relatifs à la transmission de biens ruraux supportant un bail rural long terme conclu à compter du 1er janvier 2025.
II. Orientation et formation initiale
La LOA fixe des objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation, ciblant des augmentations de 30 % du nombre d’apprenants dans les formations agricole technique (par rapport à 2022), de 75 % du nombre de vétérinaires formés (par rapport à 2017) et de 30 % du nombre d’ingénieurs agronomes formés (par rapport à 2017).
Une nouvelle formulation des missions de l’enseignement agricole est prévue, avec notamment la mise en place d’un délégué de l’enseignement agricole dans chaque département pour renforcer le lien avec l’Education nationale et participer à la promotion des métiers de l’agriculture.
Un programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture a aussi été élaboré, prévoyant :
- Des actions de découvertes de l’agriculture pour les élèves des écoles élémentaires
- Des actions d’information sur les métiers du vivant et formation pour les élèves de collèges et seconde
- Des actions de sensibilisation de l’embauche des femmes pour les maitres de stage et d’apprentissage
- Des actions de promotion des métiers du vivant et des formations pour les métiers en manque de main d’œuvre
Enfin, la LOA prévoit les créations du Bachelor Agro et du dispositif « contrat territorial de consolidation ou de création de formation », permettant l’évaluation des besoins de consolidation ou d’ouverture de sections de formation avant l’adoption du contrat de plan régional.
III. Simplification de la vie des agriculteurs
Un autre volet des acquis de JA en 2025 concerne la simplification de l’exercice des activités agricoles. La LOA prévoit ainsi la dépénalisation des atteintes aux espèces protégées commises de manière non-intentionnelle ou sans négligence grave avec une amende maximale de 450€ et la possibilité de faire un stage de sensibilisation à la place de l’amende. Dans le même sens, la dépénalisation aux élevages en défaut de déclaration ou enregistrement Installation classées pour la protection de l’environnement (ICPE) est étendue lorsque la taille du cheptel déborde de 15% au maximum par rapport aux seuils ICPE.
L’article 44 de la LOA vise à accélérer les contentieux judiciaires contre des projets d’installation d’élevage ou d’ouvrages de stockage d’eau pour l’irrigation, le juge du référé suspension devant statuer en un mois maximum. Le 45 vise lui à faciliter les projets de retenues collinaires pour permettre aux agriculteurs de stocker l’eau, via une simple obligation de déclaration (et non plus d’autorisation).
Toujours concernant la gestion de l’eau, l’article 50 facilite l’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau, une gestion à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité pouvant se révéler pertinente dans certains territoires dans un contexte de tensions liées aux épisodes successifs de sécheresse.
Des dispositions relatives au statut des chiens de protection de troupeaux, prévues dans la LOA, vont aussi faciliter la vie des éleveurs. Ainsi, l’absence de maladresse, d’imprudence, d’inattention, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité de la part de l’éleveur est présumée lorsque l’animal est, au moment des faits, en action de protection d’un troupeau et a été identifié. Au niveau de la prédation, des tirs de loups peuvent être autorisés pour la protection des troupeaux de bovins, équins et asins, sous réserve de l’engagement de démarches en matière de réduction de la vulnérabilité de ces troupeaux par les éleveurs.
Enfin, pour la destruction des haies, un guichet unique va être mis en place avec un délai augmenté de 2 mois à 4 mois, pour laisser le temps à l’administration de donner sa décision, après avoir consulté les associations environnementales.
IV. Amélioration du niveau de vie des agriculteurs
- Acquis sociaux
Les adoptions du projet de loi de finance et du projet de loi de finances de la Sécurité sociale ont permis la concrétisation des mesures annoncées par le Gouvernement lors des mobilisations de 2024.
La promesse emblématique de l’alignement du mode de calcul des retraites des non-salariés agricoles sur celui du régime général a ainsi été concrétisée avec le vote du PLFSS. Cette avancée historique va favoriser des transmissions sereines, garantir des pensions plus équitables et tenir compte d’une grande majorité de carrières effectuées dans plusieurs régimes. A compter de 2026, la retraite de base des agriculteurs sera alors calculée comme celle des indépendants ou des salariés, selon les 25 meilleures années. Un simulateur sera proposé au cours des prochaines semaines par la MSA aux futurs retraités pour voir l’effet de la réforme sur leur retraite.
Autre promesse attendue, celle de la pérennisation du dispositif d’exonération de charges pour l’emploi de travailleurs saisonniers (TO-DE). Visant à renforcer la compétitivité des filières agricoles, cette mesure va générer une exonération supplémentaire de cotisations sociales pour les employeurs de 15 à 18 M€ par an, en relevant le plafond de rémunération donnant lieu à une exonération totale relevée de 1,20 à 1,25 Smic.
Parmi les mesures sociales figure aussi l’entrée en vigueur dès 2025, de l’autorisation de cumul des exonérations jeunes agriculteurs avec les réductions de taux de cotisations familiales et maladies. Le principe de non-cumul de toute exonération avec les exonérations dégressives AMEXA et famille aboutissait à des cotisations MSA parfois plus élevées pour certains jeunes installés, à moins de renoncer à l’abattement JA sur les cotisations.
- Acquis fiscaux
Sur le plan fiscal, la loi de finances pour 2025 prévoit l’abandon de la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) – avec un maintien du reste à charge à 3,86€/HL sur 30,42€/HL en 2025 – qui va permettre d’épargner aux exploitants un surcoût estimé à 140 millions d’euros.
Le relèvement de 20 à 30% du taux d’exonération de la TFNB (taxe foncière sur les propriétés non bâties) sur les terres agricoles représente, lui, un gain de 50 millions d’euros.
La loi de finances pour 2025 comprend également des dispositifs impactant les bénéfices agricoles, à savoir : la création d’une provision fiscale et sociale pérenne de soutien à l’élevage bovin, l’exonération de 30% de la réintégration de la dotation d’épargne de précaution dans le résultat fiscal et social en cas de sinistre naturel, climatique ou sanitaire, ainsi que le rehaussement du seuil micro-BA pour les GAEC de 367 000 à 480 000 euros.
Deux crédits d’impôts mobilisés par le secteur agricole ont aussi été reconduits par la loi de finances, à savoir le crédit d’impôt pour les exploitations certifiées Haute Valeur Environnementales (HVE) pour l’année 2025, et le crédit d’impôt remplacement, dans les mêmes conditions, jusqu’en 2027.
- Acquis de compétitivité
Au niveau de la compétitivité, la LOA va permettre aux sociétés agricoles, sans perdre leur caractère civil, de compléter leurs activités agricoles par des activités accessoires de nature commerciale et présentant un lien avec l’activité agricole. Les recettes tirées de ces activités accessoires ne peuvent excéder 20 000 € et 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole. Pour les GAEC, le plafond de 20 000 € est multiplié par le nombre d’associés que compte le groupement.
Enfin, l’aide des 10 millions d’euros non mobilisés du dispositif exceptionnel d’aide à l’arrachage définitif, destinée aux jeunes gravement affectés par le changement climatique, est un dernier exemple d’acquis de Jeunes Agriculteurs en ce premier trimestre de l’année 2025.
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