La “vieille” Europe viticole voit son leadership disputé par les nouveaux pays producteurs. Mais l’UE et la France restent au centre du jeu mondial. Le point sur les grandes tendances et les nouveaux modes de consommation avec, directeur général de l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin).
Quelles sont les grandes tendances d’évolution de la viticulture mondiale ? Il y a de plus en plus de pays producteurs de vin. Historiquement, les principaux étaient les pays de la “vieille” Europe. Dans les années 60-70, ils ont été rejoints par ceux du Nouveau Monde, comme les États-Unis. Aujourd’hui, on voit arriver une troisième génération avec la Chine, le Chili, la Nouvelle-Zélande ou encore les pays de l’ex-URSS, l’Inde, le Mexique… De 2000 à 2011, le développement des plantations dans les nouveaux pays producteurs ne compensait pas les arrachages en Europe. Avec la fin du programme européen d’arrachage, les surfaces mondiales en vignes se sont stabilisées à environ 7,5 Mha (moitié vin, moitié raisin de table). Mais cette stabilité cache des évolutions différentes. Le développement des surfaces en vignes se fait sur- tout hors de l’UE. La Chine connaît un développement très important, notamment en raisins de table, qui y représente 80% du vignoble. Elle est passée devant la France il y a trois ans, c’est désormais le deuxième vignoble mondial.
De son côté, la production s’est-elle aussi stabilisée ? La production de vin reste très erratique, car soumise au climat. En 2017, nous avons connu une vendange mondiale parmi les plus basses de ces dernières décen- nies avec 250 millions d’hectolitres (Mhl). Les années “normales”, la moyenne est entre 265 et 285Mhl. Il y a eu le gel en France, mais d’autres pays ont aussi connu des aléas climatiques. Le Chili, par exemple, a fait une très mauvaise ré- colte à cause d’El niño. Le trio de tête des plus grands producteurs de vin regroupe l’Italie (45 à 50Mhl), la France (40 à 45Mhl) et l’Espagne (35 à 40Mhl). On retrouve ensuite les États-Unis (20 à 25 Mhl), l’Argentine (10 à 15 Mhl), l’Australie, l’Afrique du Sud… La Chine est le huitième pro- ducteur mondial avec 11Mhl.
Plus de pays producteurs, cela veut dire une concurrence accrue? Oui, l’internationalisation de l’offre exige d’être plus compétitif pour exporter. Tous les pays ont progressé en termes de qualité, on ne trouve plus aujourd’hui de vins avec des défauts de fabrication. Améliorer la compétitivité, cela peut passer par la réduction des coûts de production, mais aussi par la recherche de valeur ajoutée, l’amélioration de la qualité, la diversification et l’identification de l’offre (appellations)… L’oenotourisme et l’e-commerce sont aussi un moyen de valoriser les vins lors de leur mise en marché. Tout ça évolue très vite. En Chine, par exemple, Alibaba représente 30% du commerce de vin !
La consommation s’est-elle également internationalisée? La consommation a tendance à diminuer dans les “vieux” pays européens. En parallèle, de nouveaux centres de consommation émergent, comme la Chine ou l’Afrique de l’Est. 108Mhl ont été échangés sur le marché mondial en 2017, pour une valeur de 30Mds d’€. C’est l’équivalent de 500 Airbus A320 ! L’internationalisation des échanges de vins est en croissance constante, notamment grâce au développement des effervescents. Aujourd’hui, deux bouteilles sur cinq franchissent une frontière. Il y a douze ans, c’était une sur quatre. La France est le troisième pays exportateur en volume, derrière l’Espagne et l’Italie. Mais en valeur, nous sommes de loin à la première place avec 9Mds d’€.
Globalement, la consommation augmente-t- elle? Elle augmentait jusqu’en 2008, avant de reculer à cause de la crise économique. Cela fait trois ans que la reprise se dessine. Elle se confirme cette année et se stabilise à 240- 245Mhl. Les premiers consommateurs sont les Américains, qui ont dépassé les Français il y a cinq ans. Ils représentent 13% de la consommation mondiale (contre 11% pour la France). Puis viennent l’Italie (9 %), l’Allemagne (8 %) et la Chine (7%), qui connaît un développement important.
Et on ne consomme plus du vin de la même manière… Avant, le vin faisait partie du régime alimentaire, c’était une source d’énergie. Ce type de consommation disparaît. La consommation de vin est de plus en plus occasionnelle, le week-end, hors du foyer, et s’oriente vers des vins plus haut de gamme. C’est une consommation plaisir, art de vivre. Le consommateur est aussi devenu plus exigeant. Il veut de la qualité, de la diversité, de l’authenticité et se préoccupe des conditions de production (environnement, social). C’est une approche de plus en plus culturelle. Cette soif de découvrir de nouveaux vins est aussi une façon de voyager, d’où le développement de l’œnotourisme.
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives pour les jeunes viticulteurs? Incontestablement, les viticulteurs d’aujourd’hui sont des chefs d’entreprise. Ils doivent avoir une vision, être bons à la vigne, à la cave et sur les marchés. Il faut donc des viticulteurs bien formés, avec des yeux ouverts sur le monde. Je suis frappé de voir comment les jeunes vignerons ont intégré les évolutions technologiques et commerciales. En France, on a plutôt tendance à regarder ce qui ne va pas. Je préfère positiver. Oui, il y a toujours des difficultés liées au climat. Mais l’équilibre du marché mondial est globalement assuré. La demande est orientée positivement, l’offre s’adapte à l’évolution de la consommation. La tendance générale est à l’augmentation de la qualité et des prix. Le vin est aujourd’hui le deuxième poste d’exportations en France, c’est un succès à mettre au crédit de la filière vigne.
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