Créée en avril 2018, l’interprofession volailles de chair a permis de renégocier les tarifs cet été sur fond de flambée du prix de l’aliment. Rencontre avec son président Jean-Michel Schaeffer, aussi président de la CFA (Confédération française de l’aviculture) et ancien président de JA.
Êtes-vous satisfaits de la loi issue des États généraux de l’alimentation (EGA) adoptée le 2 octobre ? Avec cette loi, nous avons une caisse à outils à disposition. Tout l’enjeu maintenant est de mobiliser les acteurs pour qu’ils s’en saisissent. Les EGA ne marcheront qu’avec une contractualisation et des responsabilités partagées. C’est le cas en volailles de chair : nous avons la contractualisation, les maillons se parlent, il y a une vraie vie de filière. Autre condition : tout ça ne peut fonctionner que si nous ne sommes pas complètement à côté de nos voisins européens en matière de normes et de coûts de production. Or, pour le moment, les gouvernements successifs ont plutôt fait augmenter les coûts de production… La baisse de charges prévue sous Hollande a été annulée. Et la fiscalité énergétique s’aggrave fortement : d’ici 2022, la nouvelle taxe sur le GPL atteindra 6 626 € pour un poulailler de 3 000 m2. L’État ne peut pas s’exonérer de ses responsabilités.
Il y a aussi la menace des accords commerciaux… L’Europe importe déjà 850 000 t de volailles en provenance des pays tiers (Brésil, Thaïlande et Ukraine principalement). Si l’accord avec le Mercosur est conclu, ces importations pourraient atteindre 1 Mt. En comparaison, la France produit 1,2 Mt de poulets… Sur ce dossier, les pouvoirs publics sont totalement responsables. Le président de la République nous répète qu’il va négocier les mêmes conditions de production qu’en Europe. Mais quels moyens l’UE a-t-elle de contrôler les produits importés ?
Cet été, la flambée du prix de l’alimentation animale a été un baptême du feu pour la nouvelle interprofession volailles de chair…
En volailles, on a subi la hausse du prix des matières premières (céréales), mais surtout l’absence de répercussion sur le tarif de vente par les derniers metteurs en marché. Je dis « metteurs en marché », parce que la viande de volaille est écoulée à 55-60 % en grande distribution et le reste en Restauration hors foyer (RHF). Dans notre filière, le schéma contractuel existe depuis 2011, avec deux indicateurs sur le coût de l’aliment et sur les prix en sortie d’abattoir (lire ci-dessous). Fin août, nous avons eu un débat sur ces indicateurs et l’interprofession a invité les maillons de la filière à renégocier les prix. Ce ballon d’essai a enclenché des discussions sur les prix entre distributeurs et entreprises. Elles sont en cours en ce moment.
Comment se déroulent les discussions au sein de l’interprofession ? Elle a été créée en avril 2018. C’est une interpro’ longue : nous avons la grande distribution, les bouchers, le secteur de la restauration… Faire passer des messages aux distributeurs sans les avoir dans l’interprofession, c’est compliqué. Avant, ils réfutaient nos indicateurs. Aujourd’hui, on peut leur dire : « Vos services les ont validés. » Enfin, la contractualisation nous permet de leur garantir que les hausses de prix sont bien répercutées aux producteurs. Ça n’a pas empêché d’avoir des discussions houleuses cet été avec la grande distribution. Ils n’ont pas l’habitude de parler directement avec les éleveurs. Nous avons aussi une chance dans notre filière : 90 % des éleveurs sont en intégration. Avec ce système sous contrat, les transformateurs assument les hausses de prix de l’aliment et ils ont la volonté de les répercuter à la distribution. Cela fait que producteurs et industriels tirent dans le même sens.
Quels sont les principaux enjeux d’avenir pour la filière volailles de chair ? Notre plan de filière comporte trois axes. Le principal est la reconquête du marché intérieur, avec l’objectif de gagner 10 % de parts de marché d’ici cinq ans en standard. Plus de 40 % de la volaille consommée en France est importée. Il faut que la filière puisse investir, que les éleveurs puissent construire et rénover leurs bâtiments. L’issue de l’affaire Doux est assez historique : la filière française s’est mobilisée pour porter un projet collectif. Pour réorienter l’outil export vers le marché intérieur, le consortium qui a repris Doux va investir 60 M€ pour construire un nouvel abattoir. C’est une opportunité, car nous avons déjà sur place des accouvoirs, des bâtiments d’élevage, des sites de transformation, des éleveurs et des salariés avec des dizaines années d’expérience.
Le deuxième axe porte sur la montée en gamme… Oui, nous voulons consolider le développement des signes de qualité en augmentant leur part de marché de 15 %. Les signes de qualité représentent aujourd’hui 15 % des volumes. Cette segmentation existe depuis 60 ans en volailles de chair et a permis de conserver des petits abattoirs régionaux. Ce qui bloque, c’est la question du prix. L’objectif pour le bio, c’est d’augmenter de 50 %. Mais attention, le bio aujourd’hui, c’est 1 % de parts de marché. On ne peut pas dire que l’avenir de la filière se résume au bio. Enfin, le troisième axe du plan de filière vise à maintenir une capacité à exporter.
La filière volailles de chair peut-elle répondre aux attentes sociétales, notamment en termes de bien-être animal ? Moins de cages, ça peut marcher s’il y a une segmentation intelligente et valorisante. Mais attention : il y a les attentes des citoyens et il y a les actes d’achat des consommateurs. La volaille est la seule viande qui augmente en consommation. Mais ce qui augmente, ce sont les produits élaborés en RHF. Et ce sont principalement les importations qui fournissent cette hausse de la consommation. En grandes surfaces, la viande de volaille est à 90 % française. En RHF, c’est l’inverse.
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