Dans la ferme familiale d’Eaux-Puiseaux, dans l’Aube, Théo Hotte s’est découvert une passion d’arboriculteur et de commercial. Avec son cidre fermier de terroir, apprécié jusqu’en Chine, il veut conquérir un nouveau marché : le format 33 cl.
« Pop ! » Dans un bruit sec et sonore, Théo Hotte débouche une bouteille de son cidre premium fabriqué à la champenoise, vieilli sur lattes et dégorgé comme du champagne. « On le boit beaucoup en apéritif. Il ne faut pas hésiter à le servir dans un beau verre ou dans une coupe, car on a de belles bulles. C’est un produit fin. »
Ce cidre demi-sec, créé par son père il y a 15 ans, fait partie d’une large gamme de jus et alcools de pommes du pays d’Othe, renouvelée régulièrement. Parmi les nouveautés, un cidre de glace inspiré de la tradition québécoise qui sera bientôt en rayon. « Avoir des produits nouveaux permet de fidéliser les clients, et ça fait partie de la qualité, aussi, d’être le premier à sortir des cidres différents. »
En 1994, l’activité pommes n’était qu’un petit projet de diversification de l’exploitation céréalière familiale. Aujourd’hui, la ferme sort 100 000 bouteilles de cidre et jus de pommes par an, soit 65 % du chiffre d’affaires global. Théo Hotte, 26 ans, s’est installé aux côtés de son père en juillet dernier, « sur la partie pommes seulement ». Car après un BTS Agronomie et productions végétales, puis trois ans d’expérience professionnelle dans les céréales, il a compris que les semences n’étaient pas pour lui. « J’avais envie de voir autre chose, de travailler pour moi-même (…) et de m’occuper d’une culture pérenne, comme les arbres. »
Un créneau inexploité : le format individuel. C’est en vacances chez ses parents, en 2015, que se fait le déclic. Le verger est au pic de sa production, Théo en profite pour donner un coup de main. « J’ai trouvé que la ferme avait bien évolué, que l’activité pommes était bien menée. Il y avait vraiment quelque chose à faire. » Il démissionne de son poste de technico-commercial dans un grand groupe céréalier du Sud-Ouest pour se consacrer à l’entreprise familiale. Pendant deux ans, il assiste son père pour tailler les arbres, récolter les fruits et mettre en bouteille. Et surtout, il gère un portefeuille de 200 clients situés à Troyes et alentour, ainsi qu’en région parisienne. « Ce sont des grossistes, des restaurateurs, des cavistes, des associations, des mairies, ainsi qu’une dizaine de clients étrangers. »
Dès fin 2015, il se rend compte qu’un créneau du marché du cidre est inexploité : le format individuel. «Quand on se dit : “ Là, j’ai raté une vente, là une autre et encore une autre”, on commence à réfléchir. » Le cidre et le jus de pommes fermier en bouteille de 33 cl intéresse autant les restaurateurs français que le marché américain. À l’automne 2016, la ferme d’Hotte sort donc une production test. Du jus de pommes, pour commencer. « À l’époque, ce n’était pas du tout rentable, mais c’est ça qui a fait la différence », assure Théo. Car son grossiste à Rungis est particulièrement demandeur.
300 000 € dans une nouvelle ligne d’embouteillage. Pour capter ce nouveau marché avec un produit de qualité et intéressant financièrement, les Hotte décident de mettre les moyens à la hauteur de leurs ambitions. Ils investissent 300 000 € dans une nouvelle ligne d’embouteillage. « C’est une tireuse isobarométrique, comme pour la bière, dit Théo. Elle visse 1 700 petites bouteilles par heure. » La chaîne de production est reliée à un carbonateur – pour enrichir le cidre doux en CO – et à une machine de pasteurisation « indispensable pour éviter la fermentation du jus de pomme et du cidre doux, peu alcoolisé », précise Théo. La chaîne est opérationnelle depuis octobre 2017 et le premier colis de cidre en 33 cl devait partir en février. Satisfait du déroulement de son installation, Théo apprend sur le tas à répondre aux formalités du grand export. En décembre 2017, il a obtenu, à sa plus grande surprise, une commande chinoise. « Leur représentant basé à Troyes est entré en contact avec nous. Une délégation chinoise est venue à la ferme pour goûter nos produits, avec une contre-visite une semaine plus tard. On a signé le contrat dans la foulée ! Je m’en souviens très bien, c’était un dimanche à 15h ! » raconte-t-il.
Regain d’intérêt pour le cidre. Pourtant, en 2015, il s’était déjà rendu en Chine pour démarcher de nouveaux clients… qui lui ont finalement fait faux bond. Une expérience au goût amer dont il a tiré quelques enseignements : « Il y a des clients, à un moment donné, quand ils ne font pas de commande, il faut arrêter ! Quand ils passent leur temps à demander des échantillons, des documents, des analyses et
que ça met beaucoup trop de temps, il faut dire stop et demander du concret. »
Malgré tout, Théo a bon espoir de doubler le volume d’exportations. « On est à 6,5 % de notre chiffre d’affaires en export et on espère atteindre 15 %. » En France, il observe un regain d’intérêt pour cidre : un tiers de la cuvée Hotte est vendu à la ferme. « Même si le cidre reste un marché de niche, certains redé-couvrent ce produit, assure -t-il. Et il y a un engouement pour les produits naturels et peu alcoolisés. » Pour faire face à cette tendance, les Hotte se projettent à long terme. En s’installant, le jeune agriculteur a racheté 3 ha de pommiers à un voisin. Avec son père, ils ont commencé à planter 5 ha supplémentaires de verger. Un projet d’envergure pour lequel Théo s’apprête déjà à embaucher une paire de bras supplémentaires. Il espère multiplier par quatre sa production de bouteilles d’ici 2023.
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