Qui sont ces associations qui œuvrent dans le secteur de l’élevage ? Elles sont nombreuses, et tendent à se multiplier. La question du statut de l’animal a surgi dans les débats de-puis une dizaine d’années. Les associations de défense animale se divisent en deux grands courants : les welfaristes et les abolitionnistes. Les premières, comme CIWF (Compassion in World Farming), Welfarm ou OABA (Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir), veulent améliorer les conditions d’élevage. Elles tendent toutes à s’opposer aux cages et mettent en cause l’élevage intensif. Le monde agricole travaille avec eux sur certains dossiers. Les abolitionnistes, comme L214, 269 Libération animale, boucherie abolition, veulent carré-ment la fin de l’élevage, même si par-fois elles cachent leurs intentions derrière le bien-être animal. Pour elles, la mort de l’animal ne se justifie pas : « L’intérêt à vivre pour les animaux est supérieur à celui des humains à manger de la viande », selon la responsable de L214. Ces antispécistes croient en une continuité entre l’Homme et l’animal. Derrière leurs discours, se profile un changement de civilisation. Certaines comme 269 Libération animale vont même très loin en prônant la désobéissance civile. On les retrouve dans les blocages d’abattoirs.
D’où viennent les associations abolitionnistes, et comment sont-elles financées ? Les initiateurs, français, de L214 avaient d’abord créé une association contre le gavage qui peinait à se développer. Aujourd’hui, elle compte plus de 30 000 membres. Son budget en 2018 dépassait 5 M€. Pour son combat contre l’élevage en cage, elle a reçu des fonds d’une ONG américaine, à hauteur de 1,14 M€ en 2018. Cette somme devrait être reconduite en 2019. En gros, il y a quelques grands donateurs et beaucoup de petits. Son budget lui permet d’employer 60 salariés webmasters, très efficaces sur les réseaux sociaux. 269 Libération animale est issue d’une association israélienne qui a eu des ennuis avec la justice. Très radicale, elle compte peu d’adhérents mais très déterminés.
Quel est leur impact sur la société ? Les végétariens, qui consomment des produits issus d’animaux mais pas de viande, et les végéta-liens, qui ne mangent pas de produits issus d’animaux, représentent 2 à 5 % de la population. Les végans, qui refusent en plus de porter du cuir ou de monter à cheval (à titre d’exemple), ne dépassent pas 0,5 %. Le danger majeur n’est pas tant leur nombre mais la banalisation de leur discours. On a l’impression que devenir végan c’est le Graal, une sorte d’idéal de pureté.
Or les conséquences sur la santé en particulier sur les jeunes sont complètement minorées. Les vidéos de L214 marquent l’opinion publique, en particulier celles sur les abattoirs. « Ce qui est filmé existe », explique cette association. A contrario, « ce qui n’est pas filmé, n’existe pas ». Comme ils ne filment que des abattoirs défaillants, leur volonté est de sous-entendre que tous les autres le sont également. Ces associations diffusent leurs éléments de langage dans le grand public : elles parlent de cadavre et non de carcasse, d’exploitation animale au lieu d’élevage… C’est une infusion indirecte et dangereuse de leurs idées.
Va-t-on vers une défiance grandissante concernant l’élevage ? Il faut d’abord rappeler que ce ne sont pas les éleveurs qui sont remis en cause, mais les modes de production. L’étude Accept (lire encadré), a permis d’éclairer la vision de la société sur l’élevage. Les abolitionnistes représentent deux individus sur cent. Cependant tous les consommateurs jugent la souffrance animale inacceptable. Les consommateurs demandent de la naturalité, un accès au plein air, de la tradition. Tout n’est pas économiquement possible. Cela met en cause certaines pratiques : caudectomie, écornage à vif… Les cages aussi sont contestées quand elles peuvent être évitées. En aval, on voit les industriels se saisir de ces niches « bien-être animal ». De nouveaux cahiers des charges voient le jour. Ou en-core, des distributeurs, à l’instar de Carrefour, qui réclament des vidéos réalisées dans les abattoirs avec lesquels ils travaillent.
Ces tendances vont-elles faire évoluer la réglementation ? C’est une préoccupation qui monte au niveau européen, même si elle ne se traduit pas par de nouvelles réglementations pour l’instant. Les pays du Nord sont à la pointe de l’expérimentation de nouvelles exigences. Il y a des groupes de pression, notamment en France, en faveur d’une loi sur la condition animale, et impliquant des députés de tous bords. C’est à surveiller comme le lait sur le feu.
Que peuvent faire les éleveurs ? Il faut que les éleveurs soient conscients des attentes de la société. Certaines pratiques douloureuses pour-raient évoluer. Je pense, entre autres, au broyage des poussins, au limage des dents, à la coupe de queue… Les nouveaux cahiers des charges incluent aussi de plus en plus de critères de bien-être animal. Mais les consommateurs connaissent-ils ces efforts ? Les éleveurs sont friands de science et de progrès. Quand ils communiquent, ils parlent volontiers de leurs robots de traite par exemple. Le consommateur, lui se méfie, car il se dit qu’il n’y a plus de contact entre l’éleveur et l’animal. Enfin et surtout, de nombreuses contre-vérités circulent à propos de l’élevage chez ceux qui contestent son existence. Quand on dit que l’élevage est plus polluant que les transports, on se réfère à une étude de la FAO qui a plus de dix ans d’âge et qui a, en plus, été rectifiée depuis. De même, ce n’est pas 15 000 litres (L) d’eau qui sont nécessaires à l’obtention d’un kilo de viande mais entre 70 et 750 L. YouTube est aussi un excellent moyen de communiquer.
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