Consommateur convaincu de spiruline, Marc Hossart a choisi cette microalgue pour diversifier sa production de pommes de terre et de betteraves sucrières. Un produit méconnu pour un marché porteur et un univers passionnant à explorer. Dans son laboratoire de fortune de Saint-Léger-lès-Authie, dans la Somme, Marc Hossart trempe une bandelette en papier dans son eau de culture pour mesurer la concentration de nitrates. Puis, il regarde à travers un réfractomètre pour vérifier la teneur en sel. Un peu plus loin, dans deux grands bassins de 250 m2, une roue à aubes brasse sans discontinuer une eau épaisse, vert sombre. De l’eau saumâtre, saturée de spiruline.
Un nouveau défi pour le céréalier de 38 ans qui s’est lancé dans la culture de cette microalgue en juin dernier, en plus de ses 110 ha de grandes cultures. Il vient tout juste de commencer à vendre sa première récolte : une production test, confidentielle pour le moment. « Ma volonté était d’apprendre à récolter en 2017, apprendre à cultiver, à nourrir mes bassins (….) pour que l’année prochaine au mois de mars, avril, mai, j’ai moins de problèmes au moment de la vraie récolte. »
« C’est un travail de lève-tôt ». Après 12 ans d’élevage laitier, un rythme de folie, deux opérations du dos et une situation financière au point mort, Marc décide d’abandonner les vaches. Il convertit ses surfaces fourragères en colza et lin, avant de se diversifier dans la spiruline. « Aujourd’hui je cultive la spiruline sous serre, dans un environnement contrôlé. Les aléas climatiques seront toujours présents, il y a toujours des risques, mais beaucoup moins que pour les cultures de plein champ. »
Convaincu par le potentiel encore peu exploité de la spiruline comme protéine végétale, Marc a surtout été conquis par l’effet revigorant de la microalgue torsadée, en réalité une bactérie photosynthétique. Depuis ses problèmes de dos, il en prend une cuillère à café tous les matins. « Ce n’est pas un produit miracle », insiste t-il, mais « une algue anti-carences » pleine de vitamines, minéraux et oligoéléments, à l’effet détox et qui favorise la récupération. Mais surtout la spiruline est « un travail de lèvetôt», car elle est de meilleure qualité récoltée au petit matin. Alors de 2 h à 8 h, Marc active une pompe qui transfère l’eau verte vers un système de filtres. À 6 h, il intervient sur le site pour essorer la spiruline et l’agglomérer en pâte verte : « Mon objectif, c’est de faire de la spiruline avec un taux de matière humide inférieur à 9 %. » À l’aide d’un pressoir à saucisse, il transforme cette pâte en longs filaments qu’il fait ensuite sécher pendant 12 h à 35°C. La brindille verte, à la fois croquante et subtilement tendre à coeur, est alors prête à être consommée.
« Elle se garde longtemps, mais je mets une date limite d’utilisation optimale de 24 mois sur les sachets », ajoute Marc. Une culture complexe à découvrir. Avec un taux de production de 2 kg/j en moyenne, la récolte est conforme à son objectif de rendement : 3 g/m2/j. «C’est une culture tellement compliquée qu’il ne faut pas s’amuser à tirer trop sur la ficelle. Je vais rester dans des productivités raisonnables, car c’est vraiment très, très technique à gérer. » Complexe, la culture de spiruline ? C’est là tout son attrait. « Dans les champs, une mauvaise herbe, je la vois. Là, tu vois un bassin d’eau verte. Est-ce qu’il est bon, est-ce qu’il n’est pas bon ? Tu ne sais pas. Par contre, s’il y a un élément qui n’est pas au top, c’est sûr que tu ne produis pas. » À Marc, donc, de doser parfaitement les nutriments, comme l’azote, le phosphate ou la potasse, et de trouver le parfait degré d’ombrage et de luminosité, de température de l’eau et de l’air qu’il fait monter grâce à une chaudière à paille. « Je commence à deviner quelques fonctionnements biologiques, mais c’est loin d’être acquis. » Car il s’agit de trouver la formule parfaite pour que la spiruline se multiplie à l’infini dans 15 cm d’eau. Dans cet apprentissage au long cours, Marc n’est pas à l’abri de quelques déconvenues. En juin dernier, il a commandé quatre litres de souches de spiruline à un laboratoire bruxellois pour ensemencer ses bassins. « Je me suis pris une photolyse », se souvient-il amèrement. Retour à la case départ. Heureusement, un ami le dépanne d’1,3 kg de microalgues pour lancer sa production test. « Pour l’année prochaine, je vais redémarrer avec une souche complètement neuve. »
250 000 € d’investissement. Toujours est-il que Marc Hossart travaille d’arrache-pied. En seulement quatre mois après obtention du permis de construire et avec l’aide d’un employé, il a installé et aménagé la serre, les bassins de culture et de recyclage des eaux usées, la salle de récolte et la salle de séchage. Le tout dans un ancien bâtiment de ferme revalorisé, et avec un emprunt bancaire de 250 000 €. Seules les bâches ont été installées par une entreprise extérieure « pour avoir la certification alimentaire ». Car l’agriculteur se positionne sur le marché de la spiruline bio… et anticipe la création d’une réglementation européenne : « Si demain il y a un cahier des charges bio, je remplace mon urée par une source bio et je suis en bio quoi ! » Sous sa marque La spiruline de Marc, il décline la spiruline sous trois formes : poudre, crunchy et brindille, son produit phare : « C’est pour ne pas être en concurrence avec la Chine. (…) Un intermédiaire ne pourra pas tricher avec un produit comme ça, parce que si tu mets un placebo dedans, tu vas le voir tout de suite. » À 20 € les 100 g, les sachets se vendent grâce au bouche-à-oreille relayé sur Facebook : « J’ai à peu près 60 kg de stock, il faut que je tienne jusqu’à fin mars. » D’ici là, il devrait recevoir les résultats d’analyse de composition de sa spiruline pour savoir « s’il se situe dans la moyenne nationale. » Avant d’organiser une opération portes ouvertes, au printemps prochain.
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