Exploitation individuelle en bio, transformation et vente directe
- Nom : Ange Loing et Coraline Boehly
- Surface : 60 ha (100 % en prairies)
- Cheptel : 48 vaches laitières prim’holstein et montbéliardes
- Production d’énergie : 1 000 m2 de panneaux photovoltaïques, 3 centrales hydroélectriques, bois plaquettes
En plus d’un élevage laitier bio avec transformation et vente directe, la famille Loing s’est diversifiée dans la production d’énergies renouvelables.
À la ferme des Schalandos, valoriser les ressources locales, c’est une affaire de famille. Les terres pentues de cet élevage laitier bio niché au pied des Vosges interdisent toute autre culture que l’herbe. Mais Ange Loing et sa compagne Coraline Boehly peuvent compter sur d’autres atouts : de nombreux bois entourant les prairies, une belle exposition au soleil du matin et deux rivières qui se rejoignent dans leur village d’Hachimette. Autant de sources d’énergies renouvelables qui complètent l’activité agricole.
En 2013, le père d’Ange se prépare à prendre sa retraite. Son fils revient pour s’installer sur l’exploitation familiale après sept ans comme commercial dans les matériaux en bois pour professionnels. Son projet ? Monter une fromagerie pour transformer sur place une partie des 200 000 litres de lait produits chaque année. Bien que situé en zone AOP munster, Ange fait l’impasse sur ce fromage emblématique. L’éleveur de 32 ans fabrique des carrés d’Hachimette (une variante maison du brie), de la tomme et du fromage blanc.
Dernière nouveauté, du bleu, un fromage atypique dans la région. Car dans ce secteur à tradition fromagère, « il faut se différencier » pour gagner sa clientèle. « Nous avons choisi de proposer une large gamme », qui comprend aussi des yaourts, des glaces et des crèmes dessert, l’oeuvre de Coraline, salariée à mi-temps de l’exploitation.
Le couple transforme 10 % du lait et livre ses produits à domicile et dans un magasin de producteurs situé juste en face de la ferme. Le reste est collecté par Lactalis.
Les plaquettes chauffent la fromagerie. Et les énergies renouvelables dans tout ça ? La fromagerie, ainsi que la maison d’habitation, sont chauffées par une chaudière à plaquettes, avec le bois produit sur place. Depuis des années déjà, la famille Loing exploitait les bois qui bordent leurs prairies. En 1999, un pas est franchi avec l’automatisation de l’alimentation de la chaudière. Le bois, qui était débité en bûches, sera transformé en plaquettes grâce à un broyeur acheté en commun avec une trentaine d’agriculteurs. Outre les économies de chauffage, cette activité apporte un complément de revenu, avec la vente de moins de 1 000 m3 de plaquettes à une dizaine de clients particuliers (à 30 €/m3, « moins cher que le gaz »). Les inconvénients de cette énergie renouvelable : la nécessité de disposer d’un espace de stockage et l’achat d’une chaudière à plaquettes (environ 20 000 € pour un modèle haut de gamme). À la ferme des Schalandos, l’usage professionnel de cet outil a permis de bénéficier de subventions.
Comme le bois, l’énergie hydraulique présente l’avantage de demander du travail en hiver, pendant les périodes creuses sur l’exploitation. La famille Loing jouit d’un patrimoine précieux : trois centrales hydroélectriques rachetées dans les années 90. L’une d’elles alimentait la scierie du village, qui avait des liens avec la famille. Le père d’Ange l’exploite depuis sa fermeture en 1992. En hiver, le gros du travail comprend la surveillance des installations et le nettoyage quotidien des dégrilleurs, qui retiennent les branches et les feuilles. La production est maximale de janvier à mars. La remise en état de ces centrales (l’une d’elles était à l’arrêt depuis 40 ans !) a demandé d’importants investissements en temps et en argent : couverture d’un canal, bétonnage des berges, achat d’une nouvelle machine, aménagement d’une passe à poissons, etc.
Lourdeur réglementaire. Autre frein : la lourdeur réglementaire. Pour obtenir l’autorisation d’exploiter l’une des centrales, la famille Loing a dû « prouver que le cours d’eau était exploité depuis avant la Révolution française ! La réglementation nous interdit d’intervenir sur le cours d’eau, ajoute Ange. Et elle empêche de créer de nouvelles centrales hydroélectriques. » Des règles en contradiction avec la volonté des pouvoirs publics de développer les énergies renouvelables.
En matière de photovoltaïque, Ange et son père ont eu plus de chance : ils font partie des derniers à avoir bénéficié des anciens tarifs de rachat de l’électricité (60 ct/kW), avant leur baisse brutale en 2011. Les éleveurs ont installé 1 000 m2 de panneaux sur les toits de trois bâtiments d’élevage exposés au sud. Cette diversification énergétique demande peu de travail, mais un lourd investissement : il a fallu emprunter 500 000 €.
Nous avons créé une Société par actions simplifiée (SAS), avec mon père, détaille Ange, car une exploitation agricole n’a pas le droit de vendre de l’énergie.
Seule la vente de plaquettes de bois dépend de l’activité agricole. Le chiffre d’affaires généré par les activités énergétiques est équivalent à celui de la production agricole. Une diversification qui sécurise la ferme familiale, pour laquelle Ange et Coraline ne manquent pas de projets : transformer la moitié de la production de lait et, pourquoi pas, se lancer dans un atelier porcin.
Autant de chiffre d’affaires avec l’énergie qu’avec l’activité agricole.
Continuer la lecture...