Quinze ans après une première tentative, le projet d’engraissement de Nicolas Bossoutrot et de ses parents voit le jour.
« Quand on s’installe agriculteur, il faut avoir du cœur. » C’est la passion qui a poussé Nicolas Bossoutrot à s’installer sur la ferme de ses parents, à Bar. À moins de 10 km de Tulle, ils élèvent un troupeau de vaches allaitantes et des cochons. Une production typiquement corrézienne : « Notre département est surnommé la petite Bretagne. Mais il est en train de se vider : ces dernières années, le nombre d’éleveurs porcins a été divisé par deux, voire trois.» De la passion, il en faut pour s’installer quand la campagne résonne d’histoires de suicides, de faillites ou d’éleveurs qui se « font intégrer » par leur groupement. Qu’importe, Nicolas, « né dans l’agriculture », ne se voyait pas faire autre chose. Début 2014, il reprend une ferme voisine, 36 ha et 25 mères limousines. Dans la foulée, la famille se lance dans l’engraissement des porcs. Une petite révolution pour le Gaec des Champs, familial, en système naisseur (vente des porcelets maigres) depuis 1986.
Un projet qui date de 2001. « Notre but est de faire un produit fini, explique Nicolas. Le travail le plus dur est à la maternité, mais il est mal valorisé. » L’idée ne date pas d’hier : Catherine et Serge avaient déjà déposé un dossier en… 2001. « Nos terres longent la rivière Corrèze sur 10 km. Et le bâtiment d’engraissement devait être situé à 7km du captage d’eau potable de Tulle, se souvient Nicolas, qui était encore à l’école primaire. On nous a accusé de polluer Tulle… »
Un autre agriculteur leur met pourtant à disposition 30ha pour épandre leur lisier. Devant la levée de boucliers suscitée par leur projet, la famille d’éleveurs a tout de même dû renoncer. En 2012, ils ont réalisé leur mise aux normes bien-être animal (box collectifs pour les truies gestantes). Et investir 100 000 € sans savoir si leur projet verrait le jour… Sans engraissement, l’élevage porcin des Bossoutrot ne serait pas là aujourd’hui.
Heureusement, l’installation de Nicolas a permis de relancer les démarches. Avec de nouveaux arguments : la création d’un emploi et un site d’engraissement déplacé à 7 km (de l’autre côte de la vallée). C’est donc chose faite : le bâtiment ultramoderne a été inauguré durant l’été 2016, il accueille sa première bande de porc, qui sortira à la mi-février 2017. Montant de l’investissement : près de 500 000 €. La production maison sera certifiée label rouge porc du limousin.
Chaque animal dispose d’1m2 (contre 75 cm2 en standard) et doit être âgé de 182 jours minimum à l’abattage (environ 15 jours de plus qu’en standard). Ce qui entraîne des surcoûts de bâtiment et d’alimentation. Le respect de ce cahier des charges apporte aux éleveurs une plus-value de 8 ct/kg de porc, à laquelle s’ajoute la prime de classement de la carcasse (environ 10ct/kg).
Label rouge et Bleu blanc cœur. Chaque lot engraissé compte 220 porcs, qui part en trois ou quatre fois. Les premiers à prendre le chemin de l’abattoir : la tête de lot, autrement dit les dominants. Ils bousculent leurs congénères à la mangeoire et grossissent donc plus vite. Une croissance qui peut parfois être trop rapide : s’ils ont atteint leur poids d’abattage avant les 182 jours, ils ne peuvent pas prétendre au label rouge. Ils seront valorisés sous le label Bleu blanc cœur, qui garantit des aliments plus riches en oméga 3. C’est pourquoi la famille Bossoutrot ajoute des graines de lin dans leur alimentation.
L’arrivée de l’engraissement s’est accompagnée d’une augmentation du cheptel. L’ancien troupeau de 80 truies était insuffisant pour dégager un salaire entier. Les 110 truies désormais présentes au Gaec donnent naissance à 13 porcelets en moyenne, tous engraissés sur place.
Un effectif nécessaire pour remplir le bâtiment et atteindre l’objectif de 3 000 porcs charcutiers par an. « Il faut compter 110 à 120 truies en naisseur engraisseur pour rémunérer une personne à temps plein », précise le jeune éleveur. Car le but était aussi de préparer le départ en retraite de ses parents, d’ici une dizaine d’années. Grâce à la ténacité de ses associés, le Gaec des champs est déjà prêt à accueillir un salarié ou un associé, le moment venu.
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