Il se destinait au saut à ski, mais l’appel des vaches a eu raison de lui. Dylan Rochas n’a qu’une chose en tête : améliorer la qualité de son troupeau. Pendant que la boucherie à la ferme et le magasin de vente directe tournent à plein régime.
C’est l’histoire d’un enfant du Vercors qui rêvait d’une carrière de sauteur à ski et qui, après deux ans passés au Pôle France dans le Jura, s’est retrouvé propulsé sur les devants d’une autre scène : celle de la ferme familiale. Voilà bientôt trois ans que Dylan Rochas, 23 ans, est associé exploitant à la ferme des Colibris. Une exploitation perchée à 980 m d’altitude dans le village de Méaudre (Isère), en plein cœur de la région des Quatre Montagnes. Là où les vallons sont aussi verdoyants en été que blancs et glacés en hiver.
Avec son père, il élève un troupeau de 240 veaux et vaches allaitantes blondes d’Aquitaine et engraisse 350 porcs charcutiers par an. « Je me suis retrouvé à la ferme plus vite que prévu », se souvient Dylan, qui a dû remplacer pratiquement au pied levé l’un de ses oncles mis en invalidité. Et d’ajouter : « J’ai eu de la chance de m’installer sur une ferme qui tourne. »
Le succès commercial de la ferme des Colibris est étroitement lié au magasin de vente directe créé en 1996. « On réalise 80 % de nos ventes dans ce magasin », assure Dylan, qui espère bientôt atteindre 100 %. À l’intérieur, pâtés et terrines s’empilent sur les étagères. Des paniers sont garnis de saucissons de bœuf, la spécialité de la maison, et deux banques froides sont remplies d’escalopes de veau, d’entrecôtes, de steaks, de rôtis, de saucisses ou encore de boudins présentés en barquettes. « Tous nos animaux sont nés, engraissés et transformés chez nous. On se charge de tout, sauf de l’abattage. » Dans la famille, c’est l’oncle Sébastien, boucher de métier, qui chapeaute les opérations de découpe au rythme d’une bête adulte, d’un veau et de cinq cochons par semaine. L’atelier boucherie étant doté de l’agrément sanitaire européen, la ferme peut écouler la marchandise à plus de 80 km à la ronde.
Huiles essentielles et nutritionniste. Autre argument-choc qui a permis de fidéliser la clientèle à petits ou gros revenus : la ferme est passée en bio en 1999. Une transition qui a fini par porter ses fruits : « Le bio, si tu veux y arriver, il faut anticiper avant d’avoir la maladie ». Pour stimuler les défenses immunitaires des veaux, il leur donne un peu de charbon noir, parfois un peu d’argile pour leur colmater l’estomac. Dylan a aussi recours aux huiles essentielles (lavande et citronnelle) pour soulager les problèmes respiratoires et à l’homéopathie liquide. « Pour l’homéopathie, on s’est organisé sur un cycle de cinq ans pour lutter contre des problèmes de diarrhée. (…) Aujourd’hui, notre troupeau est vraiment stable côté immunitaire. » Le Gaec s’est également remis en question sur le volet alimentaire. Depuis deux ans, Dylan et son père suivent les conseils d’un nutritionniste bovin pour composer des rations équilibrées. Désormais, c’est foin « pratiquement à volonté » et concentré de céréales personnalisé. Toutes les bêtes ont donc leur dose journalière de maïs, orge, luzerne et colza enrichie en minéraux. Mais, dans le bol alimentaire de certaines, Dylan ajoute du lin, « notamment pour engraisser les veaux et les bêtes pour la boucherie, parce que le lin apporte le gras intramusculaire. » Ce fameux gras, ou persillé, propre aux chairs tendres et goûteuses. Et pour calibrer eux-mêmes les rations, l’exploitation familiale vient d’investir dans sa propre fabrique d’aliments : quatre silos de 35 tonnes pour stocker les céréales, envoyées ensuite dans un broyeur et un mélangeur.
Bien dans leur peau, les animaux expriment tout leur potentiel. 15 h30 en cet après-midi de décembre. Dehors, il neige à gros flocons. Mais à l’intérieur du bâtiment d’élevage, la plupart des vaches ruminent tranquillement, couchées sur un épais matelas de paille. Elles sont tellement paisibles qu’on aurait presque envie de passer la main dans la houppette blonde qui leur surmonte le haut du crâne. « Elles ne te laisseront pas faire ! », prévient Dylan en rigolant. Il reconnaît que ses vaches sont particulièrement épanouies. « Depuis qu’on est passé à 100 % de stabulation libre l’hiver, en 2008, les bêtes ne sont plus les mêmes. Elles sont beaucoup plus calmes et mieux dans leur peau. »
Pour préserver ce bien-être dans le vaste bâtiment d’élevage – aéré et ventilé « pour que l’humidité ne soit jamais stagnante » – Dylan paille généreusement trois fois par semaine. Des brosses réparties dans les box permettent aux vaches de se gratter la tête et le dos. « Ce sont des petites choses qui font que le troupeau va être sain, que les petits veaux vont grandir, que les vaches vont pouvoir produire, retomber en chaleur et exprimer tout leur potentiel. »
La ferme a bien changé depuis la création du Gaec, en 1987. La famille écumait alors les concours de reproducteurs et vendait ses taureaux jusqu’en Suisse et en Tchécoslovaquie. Un négoce qui rapportait suffisamment… jusqu’à la crise de la vache folle en 1996. Depuis, la qualité de race du troupeau a baissé. Mais de cette époque, Dylan a hérité sa passion pour la génétique. « C’est moi qui insémine. Le veau qui naît, je l’ai pensé. C’est ça qui me plaît. » Pour tirer son cheptel vers le haut, il participe régulièrement à des ventes aux enchères et rend visite à des marchands de bestiaux. Et il se donne dix ans pour faire le point, « sur deux générations de vaches ». Avant peut-être d’assouvir un vieux rêve : présenter ses blondes au Salon de l’agriculture.
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