C’est le projet d’une vie

Entre difficultés d’accès à l’eau et pénurie de main-d’œuvre, l’installation de Kévin Masse n’a pas été un long fleuve tranquille. Rencontre avec un passionné qui tient son exploitation à bout de bras.

Il y a quelques années, il n’y avait encore qu’une friche au lieu-dit La Minotière, à Mazé-Milon. Aujourd’hui, Kévin Masse y enchaîne les récoltes de légumes :  oignons blancs et épinards au printemps, panais, radis noir et navets en été et à l’automne, mâche en hiver… 30 ha de cultures à cycle court qui, grâce à des rotations rapides, représentent « l’équivalent d’une centaine d’ha ».

Cette exploitation, le maraîcher de 27 ans l’a créée de toutes pièces. Maintenant, il la porte à bout de bras.

En 2013, Kévin quitte l’École supérieure d’agriculture (Esa) d’Angers, son diplôme d’ingénieur en poche. Il refuse un poste de chef de culture, poussé par l’envie de créer son entreprise. Son père, adhérent de Fleuron d’Anjou, lui parle de ces friches : 30 ha dans la vallée de l’Authion à l’abandon depuis une quinzaine d’années. Les terres appartiennent à cette coopérative, qui souhaite y installer un jeune. Kévin se lance. Il lui faudra encore deux ans avant de s’installer. « Il a fallu tout imaginer », raconte-t-il, lui qui a créé son exploitation à partir de rien. Il a donc fait venir l’électricité, l’eau courante, installé un chemin d’accès, etc. Un travail de titan et des investissements à la hauteur : 500 000 € dès la première année et en tout près d’1 M€ aujourd’hui.

Quatre ans de démarches pour accéder à l’eau. Mais ce qui a le plus ralenti Kévin, c’est l’accès à l’eau. « Fin 2013, je disposais déjà du site et j’avais l’autorisation d’exploiter. Je prévoyais de m’installer en avril 2014. » Mais c’était sans compter sur le parcours du combattant pour décrocher le droit de creuser un forage, puis d’y puiser de l’eau. « Nous n’avons plus le droit de faire de forage dans la vallée, explique le jeune maraîcher. Nous devons nous partager les volumes entre irrigants. » Son premier projet de forage est retoqué, de même que les deux autres projets de retenues collinaires qu’il a ensuite élaborés. Sa dernière demande est acceptée : une retenue de 5 000 m3 – l’équivalent de « trois jours de consommation en été » ! – réalimentée par le forage de son voisin, un pépiniériste qui appartient à Fleuron d’Anjou. Le premier projet de retenue portait sur 60 000 m3… Mais l’histoire ne s’arrête pas là : mi-2016, Kévin obtient finalement le droit de creuser un forage. Le chantier s’achève début 2017, mais il doit alors mener une étude d’impact. Il n’obtiendra l’autorisation d’exploiter son forage qu’en juin 2017. Kévin peut enfin souffler, après ces quatre ans de procédures, qui ont provoqué du retard dans son installation et d’importants surcoûts.

Des cultures toute l’année pour fidéliser ses salariés. Le jeune ingénieur ne peut pas faire l’impasse sur l’irrigation, indispensable pour cultiver des légumes dans ses terres sableuses. Une nécessité également dictée par les exigences de qualité de ses clients distributeurs. Un exemple ? « En cas de sécheresse, le panais développe des racines secondaires, ce qui peut être un motif de refus. » L’irrigation permet aussi à Kévin de proposer une large gamme de produits. « J’ai choisi des cultures qui se complètent bien au niveau du calendrier. » Le but ? Fidéliser ses salariés en leur proposant du travail toute l’année. « C’est ce qui m’intéressait dans le maraîchage : créer des emplois, ne pas travailler que pour moi et côtoyer des gens au quotidien. » Voilà pour la théorie.

« La réalité, c’est que c’est très difficile de trouver des employés, et encore plus des gens motivés et qui restent ! », souffle Kévin. En 2016, il a employé trois permanents et 25 saisonniers. « En 2017, j’ai embauché des gens du secteur parce que la commune ne veut pas d’étrangers. Nous étions en moyenne 10… » Fin août, il recrute 10 personnes. « À la fin de la semaine, il ne restait personne ! »

Aujourd’hui, Kévin cherche un chauffeur qualifié et un chef de culture pour le seconder.

C’est pour cette raison que son prochain projet est crucial : il souhaite monter des serres pour produire en été de la mâche destinée à la quatrième gamme. L’objectif ? 4 ha en 2018, 4 de plus l’année suivante. Un investissement lourd (200 000 €/ha), sécurisé par des contrats. Malgré les embûches, Kévin fait évoluer son exploitation, menant des essais en bio, installant des filets insect proof pour se passer d’insecticides. Il en faut plus pour dégoûter ce jeune passionné, administrateur de JA 49. « Je travaille beaucoup trop, mais je ne regrette pas, j’ai la chance de faire le métier que je veux. On a réussi à passer les moments compliqués. Je me dis qu’avec le temps, on arrivera à anticiper les problèmes. C’est le projet d’une vie. Il n’y a pas de marche arrière. » ◆


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