Avec huit collègues éleveurs, Nicolas Parisot s’est lancé dans la méthanisation en 2014. Une diversification aux vertus économiques, écologiques et agronomiques.
Dans le Sud des Vosges, il y a… la Vôge. « Une zone de transition » entre bassin d’élevage et terres céréalières, explique Nicolas Parisot. Installé en 2013 à Charmois-l’Orgueilleux, il élève une trentaine de vaches laitières montbéliardes, ainsi qu’une quinzaine de mères charolaises. Système fourrager centré sur l’herbe, conduite d’élevage « basée sur la facilité » : Nicolas – qui se serait bien vu véto’ – ne recherche « pas la performance à tout prix ». Avec 80 ha, son exploitation garde une taille raisonnable dans un secteur où la tendance est, comme ailleurs, à la concentration. Mais chez Nicolas, le développement est passé par la création d’un méthaniseur avec cinq autres exploitations de la commune (9 associés en tout). Un projet lancé par son père… en 2008.
« À l’époque, il n’y avait qu’une seule unité de métha’ dans le département, se souvient Nicolas. On a un peu essuyé les plâtres… » Le groupe est allé puiser son inspiration en Allemagne, où cette technologie était en pleine explosion. Mais alors qu’outre-Rhin les méthaniseurs engloutissent des cultures dédiées, le groupe de producteurs vosgiens aspire surtout à « valoriser les effluents d’élevage ». Choix de la technologie, du constructeur, démarches administratives, de-mandes de subvention, etc. Le projet aura pris plus de cinq ans : l’unité d’une puissance de 350 kW fonctionne depuis 2014. « Aujourd’hui, il y a 13 méthaniseurs dans les Vosges. »
La crise laitière a changé les mentalités. Mettre des cultures dans un méthaniseur ? Au début, l’idée rebutait les neuf éleveurs charmoisiens. Mais les crises laitières de 2009 et de 2015 sont passées par là. Aujourd’hui, « nous avons moins de scrupules », avoue le producteur de 27 ans. Chaque année, leur digesteur absorbe 10 000 t de fumier, 30 000 m3 de lisier et 1 600 t de cultures. L’équivalent de 100 ha de maïs, de sorgho, d’herbe et de cultures dérobées (vesce et avoine, triticale et pois). S’y ajoutent les déchets d’une coopérative locale d’alimentation animale : du son de blé et des petits grains de céréales, au potentiel méthanogène élevé.
« Méthaniser le fumier seul ne produit pas assez de gaz et n’est pas rentable, tranche Nicolas. Il aurait fallu construire une plus grosse installation. » Le maïs, au contraire, « produit du gaz en quantité et en qualité ». Or, « nous avons de très bonnes terres à maïs dans le secteur. » Les comptes de la société créée pour le méthaniseur sont donc « largement positifs ». Chez Nicolas, 10 à 15 % de l’Excédent brut d’exploitation (EBE) provient de cette activité. Une part qui a l’avantage d’être indépendante des marchés laitiers : l’éleveur livre chaque année 250 000 litres à Lactalis.
Pour lui, utiliser des cultures comme intrants du méthaniseur présente aussi des avantages pratiques. Les élevages fournissent peu de fumier en été, quand leurs bêtes sont au pré. Les cultures compensent ce creux. C’est aussi une manière de « gérer les fins de silo ». Il arrive que Nicolas doive fermer un silo déjà entamé au printemps, sans savoir quoi faire du reste. Bref, « le méthaniseur, c’est un peu la poubelle… » Même s’il faut rester attentif à la stabilité de la production en dosant les intrants.
Vertus agronomiques du digestat. « Au départ, notre motivation était surtout écologique avant d’être économique », lance le jeune éleveur. D’un côté, le méthaniseur fournit de l’électricité, revendue à EDF. En même temps, il produit de la chaleur qui alimente un séchoir multiproduits, ainsi que les serres d’un maraîcher voisin.
Chaque tonne de fumier donne aussi à la sortie une tonne de digestat liquide, épandu dans les champs. Hygiénisé, dépourvu de graines d’adventices, affichant un pH neutre, il ne manque pas de vertus agronomiques. Sans oublier qu’il permet à Nicolas d’étaler ses apports de matière organique (auparavant concentrés en hiver) et de réduire ses achats d’engrais. « Mes prairies redémarrent plus vite en sortie d’hi-ver et le trèfle revient plus facilement, observe-t-il. Je n’ai pas encore noté d’importante hausse de production, mais une meilleure qualité de fourrage. »
Dans les prochains mois, le groupe d’éleveurs compte doubler la production du méthaniseur en construisant une nouvelle fosse. « En augmentant la durée de rétention, nous pourrons accroître la production de 30 % sans augmenter nos apports en fumier et en cultures. » Une évolution qui rentabilisera et pérennisera leur unité de méthanisation. ◆
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