La semaine dernière le réseau JA, en association avec le réseau des FDSEA, s’est mobilisé dans plusieurs dizaines de départements pour protester contre l’application insuffisante de la loi EGAlim. D’autres actions ont suivi ou seront effectuées. Quelle est la situation ? Guillaume Cabot, vice-président de Jeunes Agriculteurs en charge des affaires économiques, répond à nos questions.
Quel est le premier bilan que l’on peut tirer des négociations commerciales en cours et quelles en sont les conséquences pour les producteurs ?
Ce que nous observons actuellement, c’est une nette tendance à la déflation dans les négociations commerciales qui semble inacceptable quand on la confronte à des profits en augmentation pour les distributeurs.
En effet, les négociations commerciales entre les transformateurs et les distributeurs, qui ont lieu en ce moment et jusqu’au 1er mars, sont particulièrement tendues cette année. Selon nos sources, la grande distribution semble peu réceptive aux tarifs proposés par les fournisseurs et pousse à la déflation.
C’est un fait que partage l’Observatoire des prix et des marges qui nous le signale régulièrement : dans de très nombreuses filières, les prix payés aux producteurs n’intègrent pas suffisamment les coûts de production, comme le demande la loi. Cette situation ne va pas aller en s’améliorant au regard de la hausse des coûts de production, due à plusieurs facteurs comme la hausse de l’alimentation animale, de divers intrants ou encore du fait de l’impact des aléas climatiques.
Pourtant, comme je le disais, à l’inverse de la plupart des secteurs en France, les grandes surfaces alimentaires ont augmenté leur chiffre d’affaires d’environ 1,8% en 2020. Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) a par ailleurs permis de créer au moins 600 millions d’euros de valeur depuis sa mise en œuvre en 2019.
Il faut d’urgence un rééquilibrage dans la chaîne de valeurs, surtout quand les plus forts continuent de tirer leur épingle du jeu.
Au fond, quel est l’enjeu de l’application de la loi EGAlim ?
Une rémunération juste est un point central pour la souveraineté alimentaire de la France, et l’Europe : dans 5 ans, 45% des agriculteurs sera en âge de prendre sa retraite. C’est grâce à un revenu attractif que le renouvellement des générations pourra se faire : C’est donc la responsabilité de l’aval de mettre en place des partenariats vertueux à travers des contrats engageants en termes de prix et de volumes avec les agriculteurs.
De la juste rémunération des agriculteurs dépend l’autonomie alimentaire de notre pays mais elle conditionne aussi la capacité de chacun de s’adapter aux nouvelles donnes comme le dérèglement climatique ou les demandes des consommateurs qui évoluent sans cesse. Enfin et surtout gagner sa vie de façon juste vous permet plus facilement de concevoir des projets visant à adopter de nouvelles pratiques innovantes et plus durables.
Concrètement, quelle est la suite à donner à la mobilisation des Jeunes Agriculteurs ?
Cette mobilisation n’est ni un début, ni une fin pour Jeunes Agriculteurs. Elle s’inscrit à 100% dans les efforts que nous menons, notamment depuis les États Généraux de l’Alimentation, pour que les agriculteurs puissent se rémunérer dignement. Après avoir permis à des outils nouveaux de voir le jour, comme les indices de coût de production et l’encadrement des promotions, Jeunes Agriculteurs demande ni plus ni moins que l’application ferme de la loi EGAlim. Cela signifie la construction d’un prix en marche avant basé sur des indicateurs de coûts de production et le juste partage de la valeur créée ces deux dernières années.
Aujourd’hui, le compte n’y est pas : A l’amont, on constate également encore un certain nombre de négociations entre les agriculteurs et les transformateurs qui n’aboutissent pas. Il est primordial que la part de contrats prenant en compte les indicateurs, augmente massivement et rapidement, conformément aux engagements déjà pris par chacun dès 2017 lorsque la charte des EGAlim avait été signée à l’issue des ateliers.
Avec de tels comportements, nous sommes encore loin de la bonne application de la loi de l’amont vers l’aval des filières et d’une prise en compte des coûts supportés à l’amont et transmis jusqu’au consommateur. A ces négociations commerciales tendues, s’ajoutent quelques errements sur l’origine ou encore des promotions qui s’apparentent parfois à des braderies de produits alimentaires !
Une plus grande rigueur doit être observée jusqu’à la fin de la période et des contrôles doivent être menés par l’État qui a aussi un rôle d’arbitre.
Jeunes Agriculteurs doit aussi avoir son rôle pour faire en sorte que chacun remplisse sa part et proposer des solutions constructives. Par définition, nous nous projetons vers l’avenir : nous continuerons donc jusqu’au bout à être mobilisés pour l’application de la loi et offrir des perspectives à ceux qui veulent intégrer le métier. Il y a urgence.
Continuer la lecture...