Les reportages à charge se multiplient contre le monde agricole[1] et ont la caricature facile : certains journalistes mettent en lumière des données triées et simplifiées créant des raccourcis qui entretiennent des clichés que la profession n’accepte plus
L’agriculture est devenue un bouc émissaire, un terrain d’expérimentations médiatiques. Derrière la multiplication de ce type de reportages malhonnêtes, c’est l’ensemble d’une profession qui se sent dénigrée alors qu’elle exerce avec passion et dévouement ce métier, mal connu du grand public, écrasé par la paperasserie administrative.
C’est notre quotidien et notre existence qui, par ces enquêtes mal documentées, sont salis. Nous sommes, à chaque saillie médiatique, stigmatisés en tant que pollueurs. On charge la mule agricole pour se donner bonne conscience et oublier ses propres négligences.
Ce que nous souhaitons, nous agriculteurs, c’est faire comprendre que nous travaillons pour vous, consommateurs. L’agriculture d’aujourd’hui est conduite par des paysans responsables, respectant la vie et les saisons et créant des emplois non-délocalisables.
Les producteurs agonisent des mensonges de la part de certains « écologistes » – que l’on n’entendra plus lorsqu’il n’y aura plus de paysans français et que les produits viendront, abondamment arrosés de pesticides, d’autres pays aux règles moins exigeantes.
Les producteurs français agonisent et se battent pour ne pas disparaître alors qu’ils doivent obéir aux règles, rivaliser avec une concurrence déloyale, y compris des voisins européens, et satisfaire les demandes de plus en plus exigeantes des consommateurs qui veulent des produits parfaits en toute saison. Alors, comment faire ?
En France nous traitons oui, en bio comme en conventionnel, et quand nous traitons, nous ne le faisons pas par plaisir mais par nécessité sanitaire : tavelure, oidium, carpocapse, pucerons, punaises, psylles, thrips, mouche de la cerise ou de l’olive sont autant de vecteurs de ravageurs de nos productions, et de maladies pour le consommateur. Toutes ces pratiques sont strictement encadrées (analyses de résidus, etc.) et accompagnées.
La France souffre de schizophrénie : on accepte le progrès de la médecine, mais pas celui du monde paysan, dont on entretient une identité bucolique. On focalise sur les agriculteurs la peur de l’avenir d’une société malade d’être trop connectée, où tout va si vite qu’on en oublie le rythme de la vie. Nous dénonçons ici une vision passéiste de l’agriculture, alors que, nous nous efforçons de construire à présent un avenir.
Nous avons le devoir de nourrir la France, d’y garantir des produits de qualité, qu’ils soient en production biologique ou raisonnée. Nos pratiques évoluent comme elles ont toujours évolué, pour répondre au mieux aux nombreuses attentes vis-à-vis de l’agriculture. Mais le consommateur également doit prendre ses engagements citoyens :
Êtes-vous prêts à acheter des fruits et légumes pas forcément beaux, ni calibrés, ni hors-saison ? Êtes-vous prêts à payer vos produits au juste prix ? Aujourd’hui sur 100 € que vous dépensez pour l’alimentaire, 8 € revient au producteur[1]. Enfin, êtes-vous prêts à raisonner vos constructions et l’urbanisation pour que 26m2 de terre cultivable cessent de disparaitre chaque seconde ?
Produire est un défi quotidien, que nous ne relèverons pas sans vous, sans votre aide, sans votre considération.
Jérôme Mazely,
Producteur de fruits,
Président des Jeunes Agriculteurs Bouches-du-Rhône.
[1] M6 et son reportage Zone Interdite sur les pommes, Canal Plus et son reportage Spécial Investigation sur les vignobles français, etc.
[2] Observatoire de la formation des Prix et des Marges des produits alimentaires (2015), chiffres 2010
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