A l’heure où le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat et fait l’objet de polémiques de bureau, il semble nécessaire de revenir à la réalité du terrain.
Nous défendons l’innovation en agriculture tout en prenant en compte des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Les agriculteurs connaissent l’environnement mieux que n’importe quel législateur, car c’est la matière première de leur métier, ce sont eux qui, chaque jour, travaillent au plus près de la biodiversité. L’agriculture cultive et élève la biodiversité domestique, elle participe au maintien et à l’entretien de milieux riches en biodiversité sauvage comme les estives ou les prairies.
Bien sûr, nous sommes conscients que des progrès sont encore à réaliser pour limiter l’impact des activités agricoles sur l’environnement, et nous y œuvrons, mais dans la mesure des possibilités techniques et des nombreuses contraintes qui pèsent déjà sur nos exploitations. Je refuse les grands discours déconnectés de la réalité agricole, telles que les envolées idéologues déclamées à l’Assemblée nationale, par des adeptes d’une agriculture passéiste et folklorique méconnaissant les réalités économiques et agricoles actuelles.
Pire, comment ne pas regretter l’absence notoire de nombre de députés, de plus agriculteurs, lors du passage du projet de loi en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ? Comment ne pas s’agacer des poignées de main et promesses faites lors du salon de l’agriculture, si elles sont suivies d’absences remarquées, d’engagements bafoués ?
Je veux, nous voulons un engagement fort pour une écologie pragmatique, proactive et incitative plutôt que contraignante et statique. Nous soutenons une vision dynamique de l’environnement en général et de la biodiversité en particulier, gérée et préservée de manière adaptative et non fixiste comme pourraient l’imposer certaines mesures prévues dans le projet de loi.
Les obligations réelles environnementales (article 33) qui donnent la possibilité à des propriétaires de conclure un contrat avec un agriculteur, afin qu’il maintienne ou développe la biodiversité des terres sur une durée illimitée, instaurent une servitude sur plusieurs générations, qui nous renvoie presque à une approche féodale. Jeunes Agriculteurs a demandé, à plusieurs reprises, de limiter la durée des contrats à 30 ans, ce qui est déjà un grand pas en avant pour les agriculteurs et l’environnement.
La compensation environnementale (article 33A), qui implique de compenser les dommages causés à la biodiversité sur un site par des opérations de restauration ou développement de biodiversité sur l’espace endommagé, voire, par solution de facilité, sur des terres agricoles, ajoute une contrainte supplémentaire au foncier agricole, déjà de plus en plus rare et cher. Jeunes Agriculteurs a demandé à ce que la loi prévoie de cibler les mesures de compensation en deuxième lieu sur des friches industrielles ou commerciales, ce qui permettrait de réhabiliter des terres inutilisées tout en épargnant les terres agricoles qui subissent une forte pression.
L’interdiction, à compter du 1er septembre 2018, des néonicotinoïdes (article 51 quaterdecies), insecticides notamment utilisés en grandes cultures pour enrober les semences, entraînera d’une part une distorsion de concurrence notoire entre agriculteurs français et voisins européens, et d’autre part un effet boomerang sur l’environnement car, sans autre solution, les agriculteurs utiliseront des insecticides aériens beaucoup plus nocifs pour les pollinisateurs. Nous avons demandé à ce que les dispositions concernant cet insecticide soient fixées par arrêté ministériel, en fonction de l’avis de l’Anses, qui est l’autorité compétente et légitime sur le sujet. A quoi servent nos autorités de gestion européenne et nationale ? Va-t-on maintenant régler par loi, une par une le sort de chaque matière active ?
Enfin, le boisement compensateur (article 68 sexies), qui consiste, pour chaque défrichement, à compenser par un reboisement, provoque des conflits d’usage entre forêt et agriculture, au détriment des terres agricoles. Nous avons proposé d’exonérer les jeunes qui s’installent de ce système d’autorisations de défrichement afin de ne pas les pénaliser.
Par toutes ces propositions, nous souhaitons répondre de façon équilibrée aux trois enjeux qui se présentent à nous : sociétaux, économiques et environnementaux. Nous demandons à nos parlementaires, qui sont nos représentants, un engagement fort pour cette écologie pragmatique, qui cherche à responsabiliser les acteurs que nous sommes et non toujours à contraindre ou sanctionner.
Ce qui est en jeu, c’est l’avenir commun de l’agriculture comme de l’environnement.
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