Nous arrivons au terme d’un long chantier, celui des États généraux de l’alimentation. Un chantier qui aura duré plus d’un an, avec des centaines de réunions, trois discours présidentiels et la promesse d’améliorer le sort des paysans.
Au bout du compte, qu’avons-nous ? Un texte qui apporte certaines avancées, dont plusieurs restent à confirmer dans les ordonnances en cours et à venir. La première avancée, c’est l’inversion de la contractualisation : c’est désormais l’organisation de producteurs qui proposera le contrat à l’industriel et non l’inverse. La deuxième, c’est la hausse du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions pour mettre fin à la spirale des prix bas. La troisième, dont nous attendons toujours l’ordonnance, c’est l’interdiction de prix de cession abusivement bas, qui devrait permettre d’éviter les dérives des acheteurs.
Mais pour que ces dispositifs fonctionnent réellement, il manque selon nous un pilier à l’édifice : l’assurance de pouvoir disposer d’indicateurs de coût de production neutres et indiscutables, pris en compte dans les contrats pour définir des prix justes. Malgré un consensus de la profession et même du monde politique hors majorité, ce principe n’a pas été retenu dans la loi. Le problème ? Incompatibilité avec le droit européen nous dit-on à l’Elysée. J’ajoute qu’il s’agit aussi et surtout d’un problème de vision économique. Car quand un déséquilibre existe, la loi doit être là pour le corriger. C’est à l’Etat d’assurer certaines garanties pour les plus fragiles de la chaîne, en l’occurrence, les agriculteurs. On nous dit que le but est de responsabiliser les filières pour assurer un meilleur partage de valeur. Le jour où Lactalis, Bigard ou Leclerc se seront responsabilisés tous seuls, faites-moi signe.
Sur le titre II consacré aux attentes sociétales, plusieurs mesures vont dans le bon sens, comme l’encouragement de l’approvisionnement local en restauration collective publique, l’interdiction de l’étiquetage trompeur pour le vin ou les produits végétaux (les appellations « steaks de soja » ou « lait d’amande » n’auront plus cours) ou encore les mesures en faveur du bien-être animal telle que la désignation d’un référent dans chaque abattoir.
Là encore, tout ne nous convient pas dans ce deuxième titre du projet de loi. Certaines mesures sont des fausses réponses aux problèmes soulevés, comme le fait de rendre l’exercice des activités de vente de produits phytopharmaceutiques incompatible avec celui de l’activité de conseil à leur utilisation, qui conduira les agriculteurs à se passer de cette dernière face à l’augmentation des prix engendrés. De même, avant d’instaurer un repas végétarien dans les cantines, il est d’abord plus logique de s’assurer que la volonté de s’approvisionner en local soit respectée. Rappelons que plus de 50% des produits consommés en restauration collective publique sont importés.
Mais la loi est désormais là, il faut faire avec. Appliquons-la au plus vite pour en connaître rapidement les effets. Et nous verrons si les promesses d’un meilleur revenu agricole sont tenues. Nous verrons si les élans lyriques de la majorité, Elysée, Matignon et députés confondus, seront traduits dans les faits ou s’ils ne resteront que des incantations.
Nous verrons si les sénateurs ont eu raison de rejeter le texte en dernière lecture, laissant la voie libre à leurs collègues députés pour adopter ce qui deviendra dans quelques jours la loi Agriculture et Alimentation. Nous verrons si les industriels et les distributeurs limeront leurs dents de requin au profit des paysans.
Nous verrons, mais nous ne ferons pas que regarder. C’est bientôt l’heure de vérité.
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