L’avenir de l’agriculture est entre nos mains

Discours prononcé le 1er septembre lors du meeting syndical JA-FNSEA de Lamotte-Beuvron

Bonjour très chaleureusement à tous,

Je voudrais à mon tour vous remercier d’être venus jusqu’ici pour partager notre stratégie. Je vous rassure je ne vais pas vous redire ce que nos secrétaires généraux et nos vice-présidents ont très bien présenté.

Ce qui vient d’être récapitulé, c’est d’abord le fruit du travail permanent de nos deux réseaux, de nos commissions syndicales, de nos groupes de travail, de nos rapports d’orientation, de vous en sommes. Et vous continuerez à nous interpeller sur tous ces sujets dès aujourd’hui à l’issue (qui approche) des interventions.

Mais moi, aujourd’hui, si je n’avais qu’un message à passer devant vous, c’est que notre avenir, il est d’abord entre nos mains.

Quand nous traversons des crises, et nous en traversons une majeure, qui dure et qui touche toutes les filières, nous avons le réflexe syndical de chercher les responsables et de nous en prendre à eux. Nous avons raison de faire ça. Mais ça ne suffit plus. Je suis convaincu, nous sommes convaincus à JA, que le rôle du syndicalisme est en train de changer, qu’on ne peut plus tout attendre des politiques, que les leviers majeurs sont entre nos mains. A nous, et c’est notre responsabilité, de les activer.

Les politiques peuvent moins pour nous que par le passé. Ce n’est pas un jugement, c’est un constat. Je ne pense pas du tout qu’il faille s’en féliciter. Mais je pense que c’est notre responsabilité d’en être conscients, d’en tenir compte et de ne pas nous laisser abattre pour autant. Et je ne dis pas non plus qu’il ne faut plus rien demander aux politiques, nous avons des demandes à faire et j’y reviendrai dans quelques minutes. Mais je dis que nous devons, en premier, plus qu’avant, nous demander ce que nous voulons faire nous, nous devons poser les stratégies, nous poser en acteurs économiques vis-à-vis de nos partenaires et nous devons ensuite demander aux politiques de faciliter tout ça. Si nous restons immobiles en attendant que les solutions nous soient apportées, j’ai peur que nous attendions longtemps.

Car des cartes en main nous en avons :

Pour commencer, nous, nous savons ce que nous voulons – ce n’est pas donné à tout le monde par les temps qui courent. Ce que nous voulons c’est une agriculture d’agriculteurs, aux mains des femmes et des hommes qui la font. Nous savons que les fermes, héritées du modèle familial, qui mettent les chefs d’exploitation à la fois à la tête du capital, des décisions et des pratiques de l’entreprise, sont les plus résilientes, les mieux à même de relever les défis et les seules qui soient transmissibles. Nous voulons des agriculteurs, les plus nombreux possibles, formés, polyvalents, acteurs professionnels de leurs territoires et de leurs filières. Nous n’acceptons pas l’évolution vers le modèle de firme, qui s’observe dans plusieurs pays, comme une fatalité. Nous savons que la modernité est ailleurs, qu’elle est entre autre dans le collectif, dans notre diversité, créatrice de valeur. Mais pour que ça marche, je le disais, il y a des leviers à activer :

Le regroupement de l’offre, qui pèche encore dans de nombreuses filières, c’est nous. Face à un marché de taille importante, au national ou à l’international, il faut des producteurs réunis pour négocier.

Il faut par exemple des AOP. Face à Lactalis, reparlons-en, il faudrait un seul interlocuteur, le fait même d’avoir plusieurs OP nous affaiblit. Face à Bigard c’est pareil, ces opérateurs jouent de nos divisions.

Et si on avait une seule AOP nationale pour vendre toutes les vaches de réforme ? Ne serions-nous pas beaucoup plus efficaces ? Il ne tient qu’à nous.

Bien entendu nous devons d’abord compter sur nos coopératives. Mais là aussi l’union fait la force. Dans mon département deux coops en viande vont sur le même marché export en Italie, elles sont concurrentes au lieu de s’unir commercialement. Est-ce que les producteurs en bénéficient ? J’en doute. Pourquoi ne pas s’unir quand un marché l’exige ?

J’en profite sur les coopératives, comme ça ce sera fait, Baptiste a été clair sur nos attentes. Je veux redire devant Coop de France aujourd’hui que vous trouverez dans le réseau JA à tous les échelons, des jeunes à la fois constructifs, volontaires mais exigeants vis-à-vis de leurs outils coopératifs. La coopération nous y croyons, nous savons que nous devons la réinvestir, ça passe par un dialogue, des stratégies comprises et partagées, ce qui demande un effort de tous, de nous et des coops.

Dans les organisations qui doivent peser, il y a bien sûr aussi les interprofessions. Il fut un temps où tout le monde ne jurait que par elles. Et bien malgré leurs limites, malgré – il faut bien dire – leurs échecs, nous voulons continuer à y croire.

A nous, si c’est nécessaire, d’y faire entrer la distribution, d’en simplifier la gouvernance, de les rendre actrices du renouvellement des générations, de la contractualisation. Et pourquoi pas de fonds carbone.

Nous devons aussi continuer à nous rapprocher des consommateurs. Tous les jours ils nous le demandent. Les initiatives individuelles autour des circuits courts vont dans le bon sens. C’est sûr, elles servent la profession. Mais nous devons, nous pouvons faire plus, collectivement, avec nos chambres, nos coopératives et nous mettre en avant, avec nos produits, frais et transformés, dans la restauration collective et auprès des particuliers. Ensemble si possible, pas chacun de son côté. Le projet agridistrib de JA que vous connaissez peut-être doit faire des petits.

Plus largement, et je crois que c’est ce qui doit tous nous guider, nous devons nous mobiliser pour répondre à toutes les demandes. Le temps où on produisait avant de voir ce qu’on allait faire de nos produits est fini. Nous devons vendre avant de produire, ne négliger aucun débouché, montrer que nous savons nous adapter. La bonne qualité, c’est celle que le client demande et nous avons le savoir-faire pour y répondre.

C’est vrai de la vente directe à l’export. Tant qu’on n’aura pas compris ça, ce seront toujours les marchés de dégagement, les moins valorisants, ceux qui dépendent directement de cours qu’on ne maîtrise pas, qui feront la loi.

Tout ça nous devons le faire nous, chacun à notre échelle, avec les opérateurs économiques, et ce n’est pas à la carte. Il y a du boulot.

Après bien sûr, les politiques peuvent – ou pas – nous faciliter la vie. En donnant un cadre à nos actions, des orientations, des incitations pourquoi pas. Et des règles claires, si possibles stables, et harmonisées avec nos concurrents européens.

Avec la PAC pour commencer, telle qu’elle est aujourd’hui, on sait bien qu’on arrive au bout d’un système. Il va falloir que nos ministres européens, les actuels ou les prochains, soient un peu courageux pour d’une part maintenir une politique agricole commune ambitieuse, avec un budget, mais aussi pour la rénover. La PAC doit cesser d’être entièrement liée aux hectares et donc au foncier. Elle peut par exemple, j’en suis sûr, nous aider beaucoup mieux à faire face à tous les aléas auxquels nous sommes soumis, en mobilisant pourquoi pas des outils assurantiels ou contra-cycliques.

Et d’ailleurs, sans attendre 2020, nous travaillons déjà sur les outils à combiner pour mieux sécuriser les agriculteurs: épargne de précaution, assurance, fonds de péréquation… et les rendre accessibles et attractifs pour tous. Cette PAC devra aussi d’une façon ou d’une autre, reconnaître les actifs. Nous aurons l’occasion de porter ces idées auprès des ministres européens dès ce soir.

Au niveau national, beaucoup de leviers existent. Si je devais n’en citer que quelques-uns, en tant que JA, je penserais par exemple à la façon dont la fiscalité peut favoriser l’accès au foncier pour les jeunes, ou encore la transmission. Je penserais une fois encore au registre des actifs et surtout, j’insiste, à son utilisation. On ne crée pas un registre pour s’amuser. Ce n’est qu’un début, l’enjeu est évidemment de pouvoir conditionner progressivement l’accès à tout type d’aide agricole.

Sur ces sujets comme sur beaucoup d’autres, nous avons des propositions à faire. Et nous avons les idées claires sur l’agriculture que nous voulons. C’est ce qui fait, je crois, notre force. Nous continuerons à attendre qu’on nous soutienne, mais nous ne resterons pas les bras croisés en attendant. Fiers, libres et debout, toujours. Mais aussi responsables, déterminés et qui avancent.

 


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