Après une fin d’année marquée par la clôture des Etats généraux de l’Alimentation (EGA) et les engagements plus ou moins sincères de chacun, l’année 2018 commence sur les chapeaux de roue. Le 25 janvier, lors de ses Voeux à l’Agriculture, le Président de la République a spécifiquement souhaité rendre hommage aux femmes et aux hommes « essentiels à la nation », qui font l’agriculture, « l’une des clés de notre avenir ». Si j’ai apprécié la démarche, je ne peux m’empêcher de penser que le plus dur reste à faire.
D’abord, les négociations commerciales qui battent leur plein jusque fin février et l’ouverture du Salon international de l’Agriculture. Force est de constater que dans cet exercice, les signataires de la charte d’engagement pour la création et le partage de la valeur, qui déclamaient lors d’envolées médiatisées leur volonté de participer à des revenus plus justes pour les producteurs, sont loin d’être au rendez-vous. Si je ne voulais pas être trivial, je dirais même qu’ils se fichent de nous.
Que les industriels et les enseignes de la grande distribution cherchent à faire le plus de bénéfice possible, cela n’est pas difficile à comprendre, mais pas de cette façon. Pas dans un contexte où les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à ne pas vivre de leur métier, à mettre la clé sous la porte ou à y songer. Pas dans un contexte où chacun s’est engagé, publiquement, à respecter l’esprit des EGA. Pas dans un contexte où ces dits acteurs promeuvent, à grands coups de campagnes publicitaires, les bons produits locaux de nos campagnes, faits par tel ou tel producteur, ou productrice, souvent nommé, localisé, qui lui ou elle, bizarrement, à l’écran, semble très bien vivre des prix payés. Industriels et distributeurs manipulent les consommateurs avec grand art. Le contexte de négociations commerciales est encore plus dur, plus tendu, avec des prix proposés encore plus bas cette année qu’en 2017. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la DGCCRF (direction générale Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, rattachée à Bercy), le 19 janvier dernier, lors de la réunion de bilan à mi-parcours des négociations. J’ai donc quitté la table, en me disant que, face à tant d’hypocrisie, une loi contraignante était plus que jamais nécessaire.
Notre premier chantier sera donc cette loi, pour donner plus de pouvoir aux producteurs dans les négociations commerciales, en favorisant leur regroupement en organisations de producteurs (OP), pour construire des prix justes, à partir de l’amont agricole et non plus de l’aval, en prenant en compte les coûts de revient dans le calcul des prix, en encadrant les promotions et en augmentant un peu le seuil de revente à perte J’en appelle au monde politique, aux parlementaires, qui, s’ils veulent s’engager en faveur des producteurs, en faveur d’une agriculture qui fait vivre des femmes et des hommes nombreux, doivent défendre fermement tous les dispositifs économiques prévus dans la loi, voire même les renforcer. Face à tant de colère et de désespoir chez les agriculteurs, y compris chez les plus jeunes, c’est, plus que jamais, le moment d’agir.
Parmi les combats syndicaux de 2018, nous avons bien sûr l’installation. Nous espérons que grâce au travail réalisé depuis plusieurs années sur le dispositif d’accompagnement humain et financier, les installations aidées soient en progression. Avec notre réseau, nous portons en parallèle un travail sur la transmission des exploitations afin d’accompagner les cédants lors de notre session installation, trois jours de réflexion à Sète (Hérault) du 30 janvier au 1er février.
Notre combat portera aussi sur la défense du pastoralisme face aux prédateurs, dont les avocats sont souvent bien loin des réalités de la montagne et des dégâts causés. Et sur le maintien d’une agriculture forte sur l’ensemble des territoires, permise par l’ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturelle) que le ministère envisage de revoir à la baisse, voire supprimer sur certains territoires pour lesquels les administrations française et européenne peinent à trouver les critères de classement. Quant aux autres chantiers parlementaires, nous serons force de propositions dans le cadre de la mission sur l’eau, pour faciliter les projets de stockage de la ressource, souvent décriés à tort, et de la mission d’information sur le foncier, pour préserver les terres agricoles et en faciliter l’accès aux jeunes.
Sur le plan international, notre combat se portera contre les accords commerciaux déloyaux, comme l’accord UE-Mercosur, qui fragiliserait des filières déjà sensibles, telle que la viande bovine, via l’importation massive de produits non conformes aux standards européens et français. A l’échelle européenne, notre combat portera sur la construction d’une PAC cohérente et structurante, qui profite à des agriculteurs nombreux, qui accompagne une agriculture durable, qui permette d’organiser les filières agricoles et agroalimentaires pour qu’elles répondent le mieux possible aux différents marchés, et de sécuriser durablement le revenu des producteurs via des outils de gestion des risques efficaces.
Parce la colère et l’impatience ne doivent pas l’emporter sur l’optimisme, le réseau Jeunes Agriculteurs continue à se battre en 2018 et a fixé plusieurs rendez-vous cette année, pour échanger, débattre, construire des solutions : le Salon de l’agriculture bien sûr, où nous accueillerons notre réseau, les responsables politiques, nos partenaires et le grand public ; le congrès national de Jeunes Agriculteurs du 5 au 7 juin à Lourdes (Hautes-Pyrénées) où nous voterons notre Rapport d’orientation sur l’autonomie et la résilience des exploitations ; Les Terres de Jim, où nous donnons rendez-vous à 100 000 visiteurs du 7 au 9 septembre à Javené (Ile-et-Vilaine) pour découvrir ou redécouvrir le monde agricole.
Au Président de la République, qui dit « penser printemps » pour notre agriculture, je lui réponds que nous, les jeunes agriculteurs, sommes au rendez-vous de la bataille pour des prix justes, pour la reconnaissance, dans les faits, de notre métier et de son utilité.
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