La balance commerciale de la France en matière de produits agricoles et agroalimentaires est excédentaire de près de 9,4 milliards d’euros en 2022[1], soit une hausse de 21% par rapport à 2021 !
Le budget du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire est en progression ces dernières années, avec même une augmentation d’un milliard d’euros pour 2024 !
Les lycées agricoles sont pleins et débouchent sur des parcours d’études qui offrent un taux d’insertion professionnelle qui va de 87% à 94%[2] !
Certains chiffres rendent fiers et montrent combien la France est forte d’une agriculture qui occupe la moitié de son territoire, qui est en tête dans l’Union européenne et qui fait travailler près de 900 000[3] citoyens sur les exploitations. Un chiffre qu’on peut largement multiplier si on considère tous les emplois induits par l’agriculture.
Pourtant, la majorité des agriculteurs n’en voit pas les bénéfices dans leur ferme. Oui, le secteur est inquiet car il a peur de connaitre le même sort que des grandes filières disparues ou en danger telles l’industrie textile ou le nucléaire. Car, nous qui nourrissons ne nous contentons pas de subir les effets des crises successives sur les plans climatiques, économiques et sanitaires. Nous subissons aussi une pression constante de la société et des pouvoirs publics pour opérer des transitions mal pensées.
Je le disais encore cet été, l’agriculture est prête à faire ses transitions. Malheureusement, le manque de courage de nos politiques, sur fond d’ambition électoraliste, ne permet pas de construire une vision claire pour notre secteur et surtout de s’y tenir. Au contraire, nous faisons face à un empilement d’injonctions, souvent contradictoires, et visiblement inefficaces. Tout ce que nous voyons c’est que nous allons de crise en crise, avec autant de plans d’urgence coûteux qui vont avec. Il est peut-être temps de prendre un moment de répit pour vraiment préparer le futur. Un temps qui doit se matérialiser par une respiration normative, une vraie pause pour prendre notre élan.
Prendre de l’élan, dans notre France agricole aux mille facettes, demande de bien appréhender toute sa complexité. Une complexité qui réside d’abord dans une hétérogénéité entre filières même si, pour beaucoup, elles ont ce point commun de vivre des situations très difficiles. Certaines sont impactées par le manque de main d’œuvre, la pénibilité du travail et de nouvelles habitudes de consommation. D’autres, par un déficit de structuration et des difficultés à capter davantage de valeur. D’autres encore montrent que l’excédent commercial dont nous parlions masque des disparités très inquiétantes entre recul sur certains marchés, augmentation des importations et crise profonde. Mais toutes font face à une accumulation de normes, sans parler des attaques toujours plus violentes qu’elles subissent de la part d’un public méconnaissant notre rôle dans la lutte contre le changement climatique.
C’est pourquoi, les filières doivent prendre en main leur avenir en réfléchissant à leur trajectoire, aux solutions qu’elles déploieront demain, à leur évolution, et comment elles permettront à des agriculteurs de vivre épanouis dans leurs métiers. Cette démarche nécessaire exige du temps, de la réflexion, beaucoup d’efforts et autant de moyens. Mais cela demande avant tout un accompagnement par des politiques qui devraient en faire leur priorité, plutôt que de courir après la dernière mesure sans queue ni tête qui donnera bonne conscience, ou bonne image.
C’est pourquoi, nous disons stop à l’accumulation des normes, pour prendre le temps de construire une vision à long terme du secteur. Nos campagnes pourraient se vider et nos décideurs ne voient rien. Alors, à nous, à chaque agriculteur de se mobiliser pour écrire et prendre en main son avenir.
[1] https://www.franceagrimer.fr/content/download/71303/document/BIL-MUL-PERF_AGRI_AGRO_EXPORT_2022.pdf
[2] https://agriculture.gouv.fr/infographie-lenseignement-agricole
[3] https://vizagreste.agriculture.gouv.fr/emploi-agricole.html
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