Marc Didier est membre du bureau d’Imagin’Rural, l’association qui a signé un partenariat avec la FNSEA pour la mise en place de contrats de paiement pour services environnementaux via la marque Epiterre

marc didier 2Qu’est-ce qu’Imagin’Rural ? Créée en 2017, l’association Imagin’Rural assure la représentation nationale de cinq associations locales, les Adasea (Association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles) : Adasea d’Oc (Lot&Aveyron), du Gers, de l’Hérault, de la Marne et du Cantal. Elles existent depuis les années 70. Je suis, pour ma part, président de l’Adasea du Gers (32) depuis 14 ans. Je suis installé en polyculture-élevage, en canards, viande bovine, vigne, cultures et je produis de l’électricité avec du photovoltaïque. Initialement, les Adasea s’occupaient de la transmission et de l’installation, et ce, jusqu’en 2011. Depuis, elles se sont positionnées comme un médiateur entre les agriculteurs et les attentes des citoyens et des consommateurs – en termes d’environnement et d’aménagement du territoire. Avec au cœur de la démarche : le triptyque économique, social et environnemental. Dans cet ordre précisément, car si ce n’est pas viable économique-ment, il n’y a plus d’agriculteurs, et s’il n’y a plus d’agriculteurs, il n’y aura personne pour s’occuper du territoire et, donc personne pour protéger l’environnement. À travers ces cinq associations, Imagin’Rural compte, dans ses rangs, plus de 50 experts : agronomes, écologues, géographes, animateurs…

Quel est le rôle des Adasea ? Chaque association est indépendante et regroupe plusieurs domaines d’expertise. Les missions peuvent, par exemple, être la mise en place de mesures agroenvironnementales et climatiques, des diagnostics Eau sur des bassins versants ou la mise en place d’une trame verte et bleue. À l’Adasea 32, nous sommes opérateurs Natura 2000. En pratique, nous travaillons avec des financeurs, comme la Région et l’Agence de l’eau d’Adour Garonne. Ils nous confient la mise en œuvre de dispositifs environnementaux à l’échelle des territoires. Notre association va ensuite voir les agriculteurs, individuellement et collectivement, et met en place, avec eux, les projets.

Vous avez signé un partenariat pour fonder Epiterre : dans quel but ? Epiterre est une marque commune entre Imagin’Rural et la FNSEA, pour mettre en œuvre les contrats de paiement des services environnementaux, un concept élaboré par la FNSEA. Nous avons signé avec Christiane Lambert la convention de partenariat, écrite ensemble, le 5 mars 2019. La FNSEA, via le réseau des fédérations départementales, est un formidable relais. Par le territoire qu’ils couvrent, par la nature même de l’activité agricole, les agriculteurs fournissent des services environnementaux. Epiterre propose aux entreprises, collectivités ou associations de construire des projets avec les agriculteurs pour valoriser et produire ces services environnementaux. Ces derniers peuvent être divers : création de zones tampons pour prévenir les inondations, préservation de zones humides, plantation et entretien d’arbres et de haies sur des parcelles agricoles pour favoriser la biodiversité et limiter le ruissellement, implantation de bandes fleuries pour les pollinisateurs…

C’est aussi une façon de communiquer ? Oui, car on parle trop souvent des mauvais points de l’agriculture, et pas de ses apports en matière environnementale. Cette dé-marche, c’est l’occasion de mettre en avant des pratiques positives, et de leur donner une valeur économique. Il faut montrer la valeur, la richesse de nos façons de faire. Reprendre la main. Beaucoup d’entreprises mettent en avant ce qu’elles font pour la biodiversité : en tant qu’agriculteurs, nous sommes les premiers concernés, mais on ne le dit pas assez.

Pour vous, l’avenir réside dans des contrats avec des opérateurs privés ? Oui, maintenant qu’Epiterre existe, nous voulons aller vers les entreprises. Elles doivent favoriser ces services environnementaux dans le cadre de leurs obligations réglementaires pour la compensation écologique, de leur responsabilité sociétale, ou de leur stratégie de positionne-ment. Cette logique s’impose également à l’État et aux collectivités dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques, comme pour : la protection de l’environnement et des populations, la fourniture d’eau potable, la gestion des risques naturels ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. Les agriculteurs peuvent apporter des réponses en fournissant des services environnementaux. Epiterre se propose d’identifier, de structurer, de regrouper et de quantifier ces services, ainsi que les agriculteurs pouvant les réaliser.

Pourriez-vous donner un exemple concret ? Les prairies en élevage sont un formidable filtre pour les eaux de pluie. C’est le filtre naturel le plus écologique possible. C’est un service rendu à la collectivité qui n’est pas rémunéré : il paraît normal et naturel, mais derrière, l’homme a semé et c’est lui qui maintient la prairie. C’est un bon exemple de service rendu non valorisé. L’objectif de nos experts est de donner une valeur à ce filtre naturel. Il faut le chiffrer. Autre exemple : lorsqu’une entreprise veut s’impliquer dans la préservation de la bio-diversité, elle peut contractualiser avec un agriculteur qui se charge de la mise en place de dispositifs favorables aux abeilles. Les solutions sont multiples : c’est à nous d’être force de proposition auprès des entreprises. Pour ces dernières, c’est aussi une façon de se différencier de la concurrence, en soutenant une activité locale et durable. À l’avenir, ces initiatives vont se multiplier.

Quel est l’intérêt pour les agriculteurs ? C’est intéressant économiquement pour les producteurs qui ont des bonnes pratiques à valoriser ou à faire évoluer. Cela permet de compenser des contraintes de gestion et d’entretien, et c’est aussi une fierté, une reconnaissance pour les services rendus.


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