En s’installant sur le verger familial, Benjamin Cucchietti prend goût aux responsabilités et aux innovations en pomiculture.
Benjamin Cucchietti enfile le gilet contenant la batterie de son sécateur électrique. « Ça chauffe le dos! En hiver, c’est agréable», lance le jeune arboriculteur de 23 ans. Le soleil brillant au zénith est trompeur. Dans les vergers perchés à 580 m d’altitude, au Nord de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), la température descend souvent en dessous de zéro. « En général on tourne à -8, -10°C», assure Benjamin. Cela n’empêche pas la famille Cucchietti de tailler manuellement, de décembre à février, ses 30 ha de pommiers. « On commence par un contrôle visuel : on repère les bourgeons pointus, à feuilles, et les bourgeons arrondis, à fleurs, indique-t-il de la pointe de son sécateur. Puis on taille [les branches] en forme d’arrêtes de poisson.»
Son père, moteur de la transmission. Benjamin a grandi au milieu des pommiers plantés par son grand-père, à quelques centaines de mètres de la Durance. Petit, il rêvait d’être météorologue. Adolescent, il voulait devenir céréalier. Au lycée, il s’est formé en élevage bovin lors de stages en Franche-Comté, la région d’origine de sa mère. « Je ne voulais pas entendre parler de pommiers, parce que c’est beaucoup de boulot», confesse-t-il. Finalement, son père lui a fait entendre raison. « Il m’a toujours dit : “Nous, la surface, on l’a pas. Jusqu’à présent, ce sont les pommiers qui nous ont fait vivre”. » Alors Benjamin s’est résigné. Depuis l’obtention de son bac pro CGEA en 2013, il épaule ses parents dans les vergers et gère l’atelier de production de semences.
Grâce à son père, qui lui laisse de plus en plus de responsabilités, il a même pris goût au métier de pomiculteur. « Depuis un an ou deux, c’est moi qui prends 80 % des décisions en matière de phytos», explique Benjamin, enthousiaste à l’idée d’étrenner bientôt son nouveau pulvérisateur. « Le système est ingénieux: il y a deux turbines qui tournent chacune dans un sens pour arroser des deux côtés de l’arbre, explique-t-il. Ça va me permettre de passer un rang sur deux, d’économiser de l’eau et de gagner du temps. » À son installation en janvier 2018 , i l a mis en place le goutte-à-gouttes sur 2 ha . Cette année, il étend ce système d’arrosage à 6 ha supplé-mentaires et testera, en mai, la fertirrigation avec de la fiente de poule. « Pour l’instant [pour moi], La fertirrigation, c’est super technique, il faut être bien accompagné.»
Les Cucchietti produisent 1 600 t de pommes à couteau par an : des golden, dont la peau rosit à la pleine lune par gros écarts de température, ainsi que des gala et des granny. Environ 5 % de leur production alimente le marché espagnol. Le reste part à Cavaillon (Vaucluse) chez un producteur spécialisé en conditionnement.
« Ce client nous est fidèle depuis 15 ans, explique Benjamin. Il m’a aidé à obtenir la certification GlobalGap, pour avoir une traçabilité des traitements phytos.» Ce même client a encouragé Benjamin et ses parents à obtenir le label Vergers écoresponsables, créé par l’Association nationale pommes poires (ANPP) en 2011. « L’association va m’aider à mettre en place des bandes enherbées, composées de mélanges de fleurs, pour attirer les pollinisateurs, ajoute le jeune exploitant. Je vais aussi installer des nichoirs à mésanges et à moineaux. Ils contribuent beaucoup à lutter contre les insectes dans les pommiers.»
Renouveler et diversifier le verger. Sa priorité pour les quatre prochaines années ? Renouveler le verger vieillissant. « J’avais prévu de replanter 3 ha par an,» dit Benjamin. Sauf que cela coûte plus cher que les 200 000 € d’investissements initialement prévus. « Aujourd’hui, pour refaire à neuf 1 ha de verger, il faut compter 35 à 40 000 €. » L’arboriculteur a dû faire plusieurs avenants à son projet d’installation. « Si c’était à refaire, je gonflerais un peu les investissements dans mon PDE. » Il profite néanmoins de ce grand chantier pour introduire de nouvelles variétés. « C’est surtout pour étaler mon boulot dans le temps et diminuer le recours à la main-d’œuvre», dit le jeune agriculteur, attaché au côté « à taille humaine » de l’exploitation familiale. Ainsi, il produira de la poire williams « pour attaquer la récolte plus tôt, à la mi-août». Et il terminera la saison plus tard, en novembre, avec la cueillette de la pink lady.
« Mon dossier a été accepté fin décembre, se réjouit Benjamin. Le club de metteurs en marché de la pink lady est assez fermé: ils me fourniront 2000 plants à l’automne 2019. Puis, théoriquement, à nouveau en 2020 et 2021. » D’ici deux à trois ans, il se lancera très certainement dans la culture de la story, une variété rouge résistante à la tavelure. « C’est une demande de notre client qui veut développer sa commercialisation de pommes bio», précise Benjamin. En attendant, il veut surtout améliorer sa conduite du verger et profiter de son temps libre. « J’ai la passion des camions, glisse-t-il dans un sourire. Je suis en train de passer mes permis poids lourd et super lourd.»
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