Michel Prugue, président de Coop de France propose des pistes pour sortir l’agriculture de la crise.
Quels outils de gestion de la volatilité des prix proposez-vous ?
La volatilité des prix agricoles a toujours été une réalité de notre quotidien d’agriculteur. Avec l’abandon des outils européens de régulation des marchés, celle-ci atteint aujourd’hui des niveaux et une fréquence insoutenables pour nos exploitations. Il nous faut donc inventer de nouveaux dispositifs de gestion des risques. Il est en effet important de dire que nous ne reviendrons pas aux anciens mécanismes de régulation.
Il est également important de dire qu’il n’existe pas un seul dispositif de gestion des risques. Je suis convaincu que nous devons mettre en place une série d’outils qui puissent intervenir à différents niveaux en fonction de l’amplitude des phénomènes observés. Au niveau européen (gestion de crise…), au niveau national (soutiens à l’assurance, adaptation de la fiscalité agricole…), au niveau des coopératives (fonds mutualisés, contrats d’assurance de groupe…) et au niveau des exploitations (réserves de précaution…). Nous devons nous atteler sans délai à l’identification et à élaboration de ces mécanismes : c’est un des enjeux prioritaires de la profession agricole.
Comment les coopératives entendent-elles être plus compétitives ?
La compétitivité est la capacité d’une entreprise à affronter la concurrence. Elle regroupe deux composantes. En premier lieu, la compétitivité « prix » qui consiste à produire à des prix inférieurs à ceux de nos concurrents. Sur ce point, nous restons trop fragiles car handicapés par des excès de charges et de contraintes. Nous attendons de l’État qu’il prenne les mesures adaptées. En second lieu, la compétitivité « hors prix » qui repose sur la création de valeur, au travers de produits différenciés (innovation, marques, services…).
C’est le travail que nos entreprises réalisent chaque jour et que nous avons également engagé au niveau de notre Fédération en promouvant les valeurs du modèle coopératif dans l’acte de production, avec le « Produire coopératif », ainsi que dans l’acte de consommation, avec le « Consommer coopératif ». Nous avons devant nous de formidables opportunités, liées notamment au développement du numérique, dont les jeunes agriculteurs peuvent être les premiers acteurs.
Ma conviction est que notre agriculture a les moyens d’être présente sur tous les marchés (circuits courts, circuits longs, marché intérieur ou export, production conventionnelle ou biologique) et qu’elle doit y créer de la valeur. Nous devons être à l’écoute de nos clients, c’est une dimension essentielle de notre compétitivité.
Où en êtes-vous des négociations avec la Fédération du commerce et de la distribution ?
Les travaux engagés l’année dernière se déroulent dans un bon climat. Je le redis, je suis persuadé que nous devons mieux travailler avec nos clients. Bien entendu, je connais les risques liés à cette démarche, mais nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour rétablir des relations équitables au sein des filières agricoles. Je demande par ailleurs une révision en profondeur de la Loi de modernisation de l’économie, car il faut mettre fin à cette « guerre des prix » destructrice de valeur ! C’est bien par l’accroissement de notre puissance économique au sein des filières que nous donnerons de nouvelles perspectives aux agriculteurs, et en premier lieu aux jeunes agriculteurs. La coopération agricole est à ce titre un levier majeur aux mains des agriculteurs.
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